L’ancienne Statège conservatrice ayant conseillé l’ancien Premier ministre Stephen Harper lors de trois élections, Yan Plante était chef de cabinet de l’ancien ministre Denis Lebel. Depuis l’été 2023, président-directeur général du Canadian Economic Development and Economic Development Network, un groupe qui travaille sur la vitalité économique des communautés francophones et acadiennes dans une situation minoritaire.
Ce sera le test suprême de cette campagne électorale: les deux débats des Chiefs, qui se tiendront les 16 et 17 avril, seront particulièrement cruciaux cette année, une douzaine de jours avant le bulletin de vote. Les cinq dirigeants qui participent n’auront pas droit à une erreur. Pour consolider ou améliorer leur sort, ils auront besoin de bonnes performances.
J’ai participé à la préparation des débats de plusieurs dirigeants, notamment pour l’ancien Premier ministre Stephen Harper. Un honneur … et un grand stress.
Pour l’entourage d’un chef, l’analyse d’un débat n’est pas effectuée selon le paramètre qui a été le meilleur d’une soirée. Il s’agit plutôt de savoir quels dirigeants ont atteint leurs objectifs … et si cela aura un effet sur les tendances de l’opinion publique.
Pour ce faire, les conseillers posent une série de questions:
Qui a le plus abordé l’émotion du public?
Les gens votent avec leurs émotions. Quels dirigeants ont réussi à atteindre la sensibilité des téléspectateurs? Le professeur de l’Université d’Air citant des statistiques sans fin pour dire que nous avons un meilleur ratio dette / PIB que d’autres pays du G20 peuvent prouver la compétence, mais cela n’atteint pas beaucoup de gens dans une campagne électorale.
À l’inverse, pour démontrer que vous comprenez un problème et que vous avez des solutions aux difficultés, à l’anxiété ou à la colère que les gens éprouvent face à certaines situations dans leur vie quotidienne, elle est très politiquement payée.
Qui a atteint ses objectifs stratégiques?
Chaque chef a des objectifs stratégiques différents, selon sa situation au moment des débats. Mark Carney doit garder son élan. Pour que son parti forme le gouvernement, il a notamment besoin d’une pluralité des 78 sièges en jeu dans le Québec. Il doit donc éviter les Québécois décevants sur ses compétences, ses valeurs et sa capacité à s’exprimer en français (une garantie qu’il promet de s’améliorer …).
Pierre Hairyvre aimerait avoir une quinzaine de députés au Québec. Mais pour ce faire, les libéraux ne devraient pas faire mieux que sous Justin Trudeau au Québec (40 sièges en 2015). Ironiquement, il a besoin du bloc pour revenir à ses niveaux habituels (de 30 à 35 députés) et ralentit l’élan libéral. Sans sauver Yves-François Blanchet pendant le débat français, il n’atteindrait pas son objectif s’il passait son temps à attaquer son blocage vis-à-vis.
Yves-François Blanchet a pour objectif d’avoir l’équilibre du pouvoir dans un Parlement minoritaire. Pour cela, le parti au pouvoir doit avoir le moins de députés possible au Québec. C’est pourquoi il concentrera ses tirs et son attention sur Mark Carney, tout en faisant appel à la fibre nationaliste des Québécois.
Qui a réussi à parler de thèmes à son avantage – et à limiter le temps passé pour ceux qui le désavantagent?
C’est simple: plus un chef parvient à passer du temps sur un thème cet avantage, plus il en profite. Ainsi, Pierre Poiliefre voudra parler du changement et du coût de la vie. Pour Mark Carney, ce sera de parler de Donald Trump. Pour Jagmeet Singh, promettre de donner une voix aux moins riches de notre société. Yves-François Blanchet voudra s’adresser à tous les sujets du Québec.
À l’inverse, ne pas pouvoir sortir rapidement d’une discussion ennuyeuse peut avoir des conséquences. Pensez au conservateur Andrew Scheer, qui avait trébuché sur des problèmes d’avortement au début du débat de la TVA en 2019 … Ponton Bridge pour sortir d’une situation embarrassante et revenir à un thème avantageux n’est pas facile, mais il est essentiel d’y arriver à chaque fois.
Qui a dépassé les attentes?
Si un chef fait mieux que les attentes du public envers lui, la perception générale sera qu’il a bien fait. L’inverse est également vrai. C’est pour cette raison que les jours qui ont précédé un débat, ceux qui autour des gens essaient, à travers les médias, de réduire les attentes envers leur chef et d’élever des personnes à la place des adversaires. Un classique.
Qui avait la stature du rôle qu’il aspire?
Pierre Hairyvre, Jagmeet Singh et Mark Carney ont-ils ressemblé à un Premier ministre? Si l’un ou l’autre donne plutôt l’impression qu’il serait un bon leader dans l’opposition, c’est probablement le rôle que les Canadiens lui donneront le 28 avril.
La question se pose également pour Yves-François Blanchet, mais différemment: a-t-il réussi à être un capitaine incontesté? L’inverse serait un problème important pour le chef de bloc.
Y a-t-il eu un “knock-out”? Si oui, qui l’a causé et qui l’a souffert?
Les chefs sont généralement de très bons débatteurs. Les moments qui changent tout – la réponse meurtrière – sont finalement très rares. Mais s’il y en a un (ou si la perception qu’il y en a un existe), cela peut changer la situation pour les chefs concernés. Brian Mulroney a réussi avec John Turner en 1984, comme Jack Layton avec Michael Ignatiff (en 2011).
Chaque équipe surgira, sous une forme ou une autre, ce type de question une fois le débat terminé, pour atteindre un équilibre global des performances de son chef selon les attentes. Soyez assuré que la nervosité augmentera considérablement chez ceux qui sortiront déçus. Après tout, il y a déjà beaucoup de temps pour inverser les tendances …