
En raison de son volume physique et auditif, un piano n’est pas un meuble ordinaire. Qu’il s’agisse debout dans un salon modeste ou d’un grand dans un appartement riche, l’instrument prend de la place. Il n’est pas rare que la vie quotidienne d’un ménage tourne autour de lui, parfois plus que autour de la table familiale. Ainsi, quand il disparaît, et lorsque la personne qui l’a jouée s’évanouit dans les brumes d’Auschwitz, une partie de l’âme de la maison est perdue. Pourtant, les notes de l’instrument continuent de résonner dans les souvenirs. Ils deviennent le fantôme, le rappel muet d’une vie disparue, assassinée.
Caroline Piketty raconte cela dans son nouveau livre Harmonies volées (“Harmonies volées”), qui sera publiée en français le 15 mai. L’historien et archiviste est un spécialiste du pillage des biens des Juifs français. Ici, elle se concentre sur les pianos saisis par les nazis pendant l’occupation. Près de 8 000 de ces instruments ont été volés et transférés, beaucoup en Allemagne, comme ce fut le cas avec les œuvres, sous la direction d’un commando dédié aux instruments, le Sonderstab Musik.
Dans une touche d’ironie cruelle, ces instruments ont été gérés par des prisonniers du camp d’internement de Drancy dans la banlieue de Paris, certains qui ont reconnu leurs biens. L’historien néerlandais Willem de Vries a documenté le voyage de ces instruments volés dans son livre Musik Commando. Comment les nazis ont volé l’Europe musicale (“Commando Musik: Comment les nazis ont pillé la musique européenne”). En avril 2022, un symposium à la Philharmonie de Paris a également abordé ce sujet.
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