Le docteur en communication publique, Émilie Foster est professeur agrégé en politique appliquée à l’Université Carleton. Ses recherches se concentrent principalement sur les partis politiques, la démocratie et la communication politique. Elle a été adjointe du gouvernement de la Coalition Avenir Québec de 2018 à 2022. Elle avait auparavant été conseillère politique au bureau de François Legault dans l’opposition.
Un peu plus d’un an par rapport aux prochaines élections générales, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) se lance dans ce qui pourrait bien devenir son combat politique ultime: attacher chaque patient familial orphelin à un environnement pratique. Le pieu est immense, à la fois pour les patients et pour l’avenir politique du CAQ.
Au milieu des négociations avec les omnipraciens, le Québec a lancé l’équivalent d’une bombe la semaine dernière par le projet de loi 106, qui prévoit la prise en charge de tous les Québécois dans une pratique de première ligne. Le projet de loi du gouvernement modifie considérablement la méthode de compensation pour les médecins, y compris les omnipraciens.
Leur rémunération serait désormais basée sur trois composantes. Le plus important pour les médecins de famille serait la «capitation», c’est-à-dire qu’ils obtiendraient une somme fixe à laquelle les médecins d’une pratique sont collectés collectivement en fonction du nombre de patients en ce qui concerne et leur complexité. Cette façon de le faire représenterait 50% de leurs revenus. Ensuite, 30% du total serait payé pour la loi et le reste, selon un taux horaire.
Les spécialistes et pour les omnipraciens, un pourcentage de rémunération (jusqu’à 25%) dépendraient également de la réalisation de certains objectifs collectifs (dates limites de traitement, nombre de rendez-vous offerts, etc.).
En ce qui concerne la capitation, il serait modulé en fonction des critères de vulnérabilité (les célèbres codes couleur permettant de classer les patients) utilisés par l’Institut national d’excellence en matière de santé et de services sociaux (INESSS). Les termes exacts resteraient à déterminer par le règlement.
En d’autres termes, une partie du pouvoir de négociation historique des fédérations médicales serait transférée aux mains du gouvernement. Et ce n’est pas rien.
Il n’a pas manqué de réagir. Les syndicats des médecins vont déjà aux barricades. On s’attendait à ce que la tentative antérieure de chaque gouvernement de modifier la rémunération ou plus pour superviser la pratique des médecins a été accueillie avec une forte résistance. Déjà en 1970, une grève avait presque compromis la création du régime d’assurance maladie publique.
Les médecins font de l’exercice en tant que travailleurs auto-employés, mais dans un système où l’État détient le monopole et où les clients sont assurés – une situation qui représente, en quelque sorte, le meilleur des deux mondes. Ils évoquent des raisons légitimes de rejeter le plan du Québec: la pénurie de 2 000 médecins de famille et la pénurie de personnel compliquent les choses dans le réseau.
Cependant, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens de Québec (FMOQ) laisse une drôle d’impression en disant que “la performance ne dépend pas des médecins de famille, il dépend du système”, comme si tous les problèmes d’accès étaient causés par des facteurs externes aux médecins.
En fait, le patron du système de santé est le gouvernement du Québec, car la rémunération des médecins est financée par les taxes des contribuables. En tant que tel, comme l’a dit le ministre Christian Dubé en présentant son projet de loi, le gouvernement a l’intention de reprendre “un minimum de droits de gestion […] Et après cela, les négociations seront beaucoup plus claires ». Il garde la porte ouverte à la négociation avec les médecins, mais assure un équilibre des pouvoirs important en imposant la destination de ces négociations …
Le reste sera décisif. Le gouvernement sera-t-il comme Gaétan Barrette, ancien ministre de la Santé, qui a menacé en 2014 de réduire la rémunération des médecins jusqu’à 30% qui n’avait pas suffisamment de patients, mais qui a scellé un accord quelques mois plus tard avec les médecins omnipractiques sans avoir à retirer le bâton? Le gouvernement du Caquiste répétera-t-il le scénario 2019 avec des médecins spécialisés, en ce qui concerne un accord pour récupérer 450 millions de dollars en trois ans au lieu d’honorer son intention initiale de réduire leur enveloppe de 1 milliard par an?
Peu importe que ce soit par un accord avec les médecins ou par une loi adoptée en vertu de GAG, le gouvernement a une obligation de résultat. François Legault et Christian Dubé en sont conscients. Ce projet de loi est donc aussi audacieux que périlleux. Certains pourraient tout qualifier de tactiques politiques, mais cela affecte, pour le gouvernement, quelque chose de plus profond. Le Premier ministre Legault vient de décider de jouer sa survie politique. Il n’est jamais facile de faire face aux médecins. C’est un énorme pari.
Pour le CAQ, le succès de ce projet de loi pourrait être le seul levier capable d’oublier le reste. Si chaque patient du Québec pouvait réellement être pris en charge par un environnement de soins (au sein d’un groupe de médecine familiale ou d’un CLSC, et par une famille de référence ou une infirmière de praticien spécialisée) d’ici octobre 2026, le CAQ pourrait restaurer son image et espérer former le gouvernement. Ce serait une réalisation frappante; Les legacs politiques d’une génération.
Si l’opération échoue, ce projet de loi pourrait se retourner contre le CAQ. En 2018, la fête a promis un médecin de famille à tous les Québécois. Les attentes sont élevées. En 2026, le CAQ a eu huit ans pour améliorer l’accès aux médecins de famille. Les citoyens jugeront donc sévèrement les résultats en 2026. La gestion des patients orphelins n’est pas seulement une question technique de gouvernance médicale, loin des gens. Le CAQ devra donc démontrer qu’il peut honorer le contrat social qui le relie à ses citoyens en bonne santé. En échange d’un montant à forte taxe, tous les citoyens qui en ont besoin doivent être en mesure de consulter rapidement un médecin ou un environnement de pratique tel qu’une clinique médicale.
Le CAQ joue donc tout pour tout. Nous devrons voir si elle peut gagner la bataille de l’opinion publique dans ce combat impitoyable qui commence. Jusque-là, le projet de loi 106 trace une ligne claire dans le sable. Il est le dernier gros pari du CAQ. Il peut sauver sa crédibilité … ou précipiter sa chute.