Les jours sont révolus depuis longtemps lorsque Raphaëlle Manceau pourrait simultanément faire une multiplication à trois chiffres, brouiller une mélodie et organiser le lendemain. C’était sa période de “bar ouverte”, comme elle l’appelle. Elle a même redécouvert des souvenirs d’enfance profondément enterrés. Ces superpuissances n’ont duré que quelques semaines, un mois au maximum, après qu’un éclair a traversé son corps de la tête aux pieds le 2 septembre 2017.
Lors d’un festival à Azerilles, dans l’est de la France, 14 personnes, dont Manceau, ont été frappées. Mais les séquelles de la grève se sont révélées moins agréables que ces capacités cognitives accrues. Elle a souffert d’une fatigue extrême, de diverses douleurs, de problèmes d’équilibre et à un moment donné a presque perdu sa capacité à parler.
Manceau, professeur d’école primaire, s’est retrouvée à écrire comme un enfant qui terminait la maternelle. “Toutes mes fonctions ont commencé à s’arrêter, j’ai été clos en moi-même”, raconta l’enfant de 52 ans, entouré de chant d’oiseaux sur la terrasse ensoleillée de sa maison en bois. “Je me demandais si je pourrais jamais réfléchir. C’était difficile. Je partage mon histoire, donc les futurs survivants de la foudre ne se sentiront pas si seuls.”
Années difficiles
Huit ans après le choc de plusieurs millions de volts, Manceau est au cœur d’une fascinante série documentaire en trois parties, Ébloui, quand la foudre ne tue pas (“Les survivants de la foudre, quand la grève ne tue pas”), dirigée par Emilie Grall et Mickaël Royer et co-écrite avec Juliette Jean. Sélectionné pour le festival des cannesseries en avril, il sera diffusé le 2 juin sur Planée + Aventure. Pour M Magazine M WorldNous lui avons rendu visite en juillet 2018 dans sa maison entourée des forêts, puis deux mois plus tard avec d’autres survivants à Azerilles pour le premier anniversaire de l’événement. Elle était alors en congé médical prolongé, souffrant toujours d’une fatigue sévère, mais presque normalement à nouveau. Seules ses syllabes se sont parfois attribuées. “J’ai ramassé un accent alsacien”, a-t-elle plaisanté.
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