Adjoint libéral au Québec de 2007 à 2022, Christine St-Pierre a été ministre de la Culture, des Communications et de l’état des femmes, ainsi que le ministre des Relations internationales et La Francophonie. Journaliste à Radio-Canada de 1976 à 2007, elle a été parlementaire à Québec et à Ottawa, puis correspondante à Washington.
Il est bien connu qu’en politique, vous devez vous faire rêver et promettre de beaux projets si nous espérons gagner le cœur des électeurs. Au plus bas dans les intentions de vote, avec une élection à haut risque à venir à Arthabaska et des élections générales en un peu plus d’un an, François Legault essaie de marquer l’imagination et d’oublier les casseroles que son gouvernement traîne.
Cela s’est manifesté dans la longue interview qu’il a accordée la semaine dernière pour le balai de l’hôte Stéphan Bureau.
Nous avons notamment appris que le Premier ministre a un nouveau projet. Il a donné le mandat au délégué du Québec à Washington pour lui faire une personne en personne avec le président américain, Donald Trump, pour lui rappeler que les États-Unis ont besoin du Québec. Mission impossible? Nous verrons!
Mais surtout, le Premier ministre dit qu’il est prêt à négocier un accord bilatéral avec le président américain dans le dossier en aluminium. “Je pourrais être prêt à faire un accord Pendant 25 à 50 ans à un bon prix! “Il a dit. La déclaration n’est pas passée inaperçue parmi ceux qui connaissent le dossier.
François Legault dit qu’il est une attaque dans les rangs lors des prochaines élections, et il cherche à construire un héritage économique. Depuis son arrivée au pouvoir, les fichiers phares ont échoué l’un après l’autre. Le gouvernement prévoit un déficit de 13,6 milliards en 2025-2026, un nouveau record – et une situation assez inquiétante pour former une remise du Québec (un rebuff qui a affecté le Premier ministre, m’a dit l’un de ses anciens alliés).
Pour construire son héritage économique, le Premier ministre se tourne vers le libre-échange et évoque donc un ” accord En aluminium avec Donald Trump, avec qui il se vante d’avoir établi un lien personnel lors d’une discussion sur seulement 10 minutes à Paris en décembre.
L’aluminium soixante pour cent utilisé aux États-Unis provient du Québec. Les Américains ne produisent que 18%. La construction d’une usine d’alumine nécessiterait des années, selon le Premier ministre, qui est convaincu que Donald Trump s’inquiète des fournitures de son pays dans ce secteur. François Legault veut calmer cette préoccupation, et parler également au président américain de nos métaux et minéraux en abondance comme le graphite, le nickel ou les terres rares.
Dans ce cas, le Premier ministre tourne dans les virages et se donne une importance qu’il n’a pas: François Legault n’a pas la main haute sur le marché de l’aluminium. Premièrement, les usines n’appartiennent pas au Québec, ils sont essentiellement la propriété de l’Anglo-Australien Rio Tinto (siège social à Londres) et de l’American Alcoa (siège social à Pittsburgh, Pennsylvanie). Deuxièmement, le prix de l’aluminium est décrété quotidiennement au London Metal Exchange (The London Metal Scholarship). Enfin, la question de la tarification est de compétence fédérale.
Dans les pharmacies d’Ottawa, nous avons sauté lorsqu’il a entendu cette déclaration. “C’est choquant”, m’a dit une personne bien consciente du dossier, qui se demande les avantages que François Legault pourrait avoir dans les autres provinces: en agissant de cette manière et en évoquant son désir d’opérer seul, le Premier ministre réduit son équilibre de pouvoir au Canada, pense-t-elle.
Selon l’ancien ministre libéral Raymond Bachand, qui a représenté le Québec lors des négociations qui ont conduit à l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (Aceum), “Alberta avait accepté de défendre la gestion de l’approvisionnement même si cela lui a apporté peu de choses, car nous étions dans une stratégie unifiée”. En révélant maintenant qu’il serait prêt à conclure un accord directement avec le président américain, François Legault suscitera la méfiance envers ses homologues.
Il joue un jeu dangereux. La prochaine négociation avec nos voisins du Sud sera cruciale. Essayer de faire un cavalier seul en mettant des propositions sur la table qui peuvent diviser les provinces et donner des munitions aux Américains affaiblira sans aucun doute les négociations. Cela pourrait avoir de fortes conséquences pour tout le pays, y compris le Québec.
François Legault a démontré depuis sa venue au pouvoir qu’il n’a pas eu beaucoup d’appétit pour les missions diplomatiques aux États-Unis. Ses voyages et contacts avec les gouverneurs sont extrêmement rares, alors que c’est dans le développement de ces relations qu’il y a le plus à gagner pour le Québec.
Lors des funérailles du pape François à Rome, le ministre des relations internationales, Martine Biron, a eu l’occasion de serrer la main de Donald Trump. Il lui aurait dit: ” Nous allons conclure un accord avec le Canada. “A interrogée sur sa réaction de Radio-Canada, elle a répondu:” Je ne suis pas naïf! Un conseil qu’elle devrait respirer l’oreille de son patron.