Au moins 67 enfants ont été conçus grâce au don d’un homme portant une mutation génétique. L’affaire, dévoilée par Le Figaro et The Guardian, soulève la question du nombre de naissances autorisées pour chaque donneur, pour le biologiste Edwige Kasper.
Des familles de plusieurs dizaines d’enfants en Europe, nées grâce à un don de sperme au Danemark, ont découvert plusieurs années après leur naissance que le donneur avait une variante génétique favorisant la survenue de cancers précoces, signalent Le Figaro et le Guardian ce samedi 24 mai.
Cette affaire doit être présentée ce samedi par Edwige Kasper, docteur en pharmacie et biologiste oncogénétique au Chu de Rouen, lors d’un Congrès de la Société européenne de génétique humaine à Milan. Il a été découvert lorsque deux familles ont contacté leurs cliniques de fertilité après que leurs enfants, nés d’un don de sperme, ont développé des cancers qui semblaient être liés à une variante génétique rare. Une variante génétique, également appelée mutation génétique, désigne “une modification qui s’est produite dans un gène, qui peut être responsable d’une maladie génétique”, selon l’agence Biomedecine.
Contactée par le docteur de l’une des familles françaises qui ont bénéficié de ce don, le biologiste Edwige Kasper a étudié cette variante: “Je suis arrivé à la conclusion que la variante était probablement cancérigène et que les enfants nés de ce donneur devraient bénéficier du Conseil génétique”, explique-t-elle au gardien. Cette mutation génétique est susceptible de provoquer le syndrome de Li-Fraumeni, qui se manifeste par la présence précoce de diverses tumeurs malignes.
La question du nombre d’enfants par donneur
Contacté par Le Figaro, la banque de sperme danoise qui a collecté ce don dit que cette variante n’aurait pas pu être détectée en amont. “Les donneurs de spermatozoïdes subissent un examen médical en profondeur, une analyse des antécédents familiaux et des tests pour détecter d’éventuelles maladies génétiques et infectieuses”, a déclaré la société danoise. “Cependant, il est impossible de réduire tous les risques et, dans ce cas spécifique (…), des méthodes de dépistage systématiques ou préventives n’auraient pas permis de détecter cette mutation”, ajoute-t-elle.
“Chaque être humain a environ 20 000 gènes, et il est scientifiquement impossible de détecter des mutations pathogènes dans le patrimoine génétique d’une personne si nous ne savons pas ce que nous recherchons”, a déclaré la banque de sperme.
Mais pour le biologiste Edwige Kasper, le cas soulève principalement la question du nombre de naissances autorisées pour chaque donneur. Parce que selon la banque de sperme, au moins 67 enfants ont été conçus grâce au don de l’homme portant la mutation génétique. Les enfants sont nés dans 8 pays européens, entre 2008 et 2015. Selon le Guardian, la variante a été détectée chez 23 enfants, dont 10 ont reçu un diagnostic de cancer. Aujourd’hui, la banque de sperme danoise impose une limite de 75 familles par donateur.
Edwige Kasper croit que ce plafond élevé “crée un risque de diffusion artificielle d’une maladie génétique”. “Dans la vie normale, il est extrêmement rare pour un père de donner naissance à 75 enfants …”, souligne-t-elle.
Avec The Guardian, elle appelle pour mettre en place “une limite européenne au nombre de naissances ou de familles pour le même donneur”. En France, “le nombre d’enfants du même donneur de sperme est limité à 10 par la loi sur la bioéthique, pour exclure tout risque de consanguinité pour les générations futures”, selon le site Web de l’agence Biomedicine. “Mon conseil aux parents français est de préférer un PMA en France”, a déclaré Edwige Kasper dans Le Figaro.