L’auteur est un chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand, où son travail se concentre sur l’étude et l’analyse de la politique américaine.
La “Saga Alex Boissonneault” a déjà inspiré un certain nombre de réactions, de commentaires et d’opinions sur la scène politique du Québec. Étonnamment, il permet de faire un lien direct avec ce qui se passe également aux États-Unis, et dans toute l’Occident en outre, en ce qui concerne l’alignement des forces idéologiques.
La substance de cette histoire est en effet fascinante, car elle met en évidence l’évolution du paysage politique dans ce premier quart du XXIe siècle. En 2001, l’opposition la plus passionnée à la mondialisation et aux accords de libre-échange est venue de la gauche. Lors du sommet des Amériques de la candidature du Québec-Boisseault le ramène à notre bonne mémoire – c’est les leaders de l’environnement syndical et ceux des mouvements populaires et alterglobalistes qui se sont élevés avec force contre la création d’une zone de libre-échange qui aurait couvert les trois Amériques, de la terre de Fire à l’Alaska. Le projet a notamment été défendu par le républicain George W. Bush et le conservateur mexicain Vicente Fox.
Aux États-Unis, pendant près de 10 ans, c’est principalement la gauche qui a accusé l’administration Bush de «trahison» envers les travailleurs américains et qui a mis en œuvre et rapporte des géants attaquant comme Wal-Mart pour l’exploitation de leur main-d’œuvre et leur destruction des entreprises à l’échelle humaine.
Plusieurs des acteurs qui ont monté les barricades au Québec ou qui ont combiné ces manifestants attaquent aujourd’hui l’approche protectionniste de l’administration républicaine de l’heure, celle de Donald Trump.
Cette tendance n’est pas seulement observée en ce qui concerne le commerce international. Peu de temps après l’élection présidentielle en novembre dernier, j’ai noté l’inversion de la position des partis politiques sur la question de l’interventionnisme militaire américain. Un bon exemple nous est venu la semaine dernière. Le grand discours contre les guerres et les tentatives de changement de régime au Moyen-Orient que Trump a déclaré à son arrivée en Arabie saoudite aurait pu, s’il avait été détenu 20 ans plus tôt, être interprété à plusieurs égards comme celui d’un démocrate convaincu.
Ça ne s’arrête pas là. Tous les efforts du nouveau secrétaire à la santé de Trump, Robert Kennedy Jr., pour utiliser les pouvoirs du gouvernement fédéral américain pour lutter contre l’obésité, en particulier chez les enfants, auraient été décrits par le “droit” comme des attaques contre la liberté individuelle il y a quelques années à peine. Et son idée même d’essayer d’interdire, en contournant le Congrès, les publicités des sociétés pharmaceutiques auraient été décrites non seulement comme à gauche, mais comme une assaut contre la Constitution par ces mêmes partisans!
Dans ce qui est peut-être la manifestation la plus incroyable de la volatilité idéologique actuelle, la Cour suprême a examiné le pouvoir des tribunaux inférieurs pour prononcer une injonction nationale contre les décrets ou les réglementations annoncées par le président. En vertu des présidences démocrates, même des récentes celles de Barack Obama ou Joe Biden, des acteurs à “droite” se sont empêchés de contester toute décision de la Maison Blanche à laquelle ils se sont opposés à ces mêmes tribunaux, dans l’espoir d’obtenir … des injonctions nationales.
La semaine dernière, c’est le ministère de la Justice d’un président républicain qui a plaidé devant la cour la plus importante du pays pour retirer ce pouvoir du système judiciaire et plutôt mettre le maximum de pouvoir entre les mains du président. Et ce sont les juges “gauche” qui semblent maintenant les plus hostiles à l’idée.
Le fossé gauche-droite est de plus en plus remplacé par une fracture générationnelle aux États-Unis et au Canada. Les taux d’intérêt très bas qui sont maintenus depuis près de 20 ans ont été extraordinairement rentables pour les personnes âgées, dont la valeur des actifs immobiliers qu’ils avaient bien sûr en plus grand nombre. Les plus jeunes générations, pour lesquelles l’accès à la propriété semble être un mirage et qui affichent des taux de fertilité historiquement bas, ne connaissent pas tout à fait la situation de la même manière.
Qu’est-ce que Bernie Sanders, Donald Trump, Pierre Poilievre, les fêtes meurent Linke et l’AFD en Allemagne et la candidature de George Simion en Roumanie? Certains seront généralement décrits comme «gauche» ou «gauche extrême», et les autres, «droite» ou «extrême droite».
Tous se définissent par le désir de mettre fin au statu quo et au système dominant. Et tous ont été propulsés depuis quelques années … par les jeunes.