Lise Beucher est un doctorant à l’Université des Angers, en France. Le sujet de sa thèse concerne le vieillissement cardiaque. Jeanne Mialet-Perez est chercheuse à l’Université des Angers.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes: la population mondiale a généralisé le vieillissement. En effet, entre 2015 et 2050, le pourcentage de personnes âgées de 60 ans et plus devrait passer de 12% à 22%, presque double. En 2020, le nombre de 60s et dépassant celui des enfants de moins de 5 ans, ce qui a marqué un tournant important.
L’un des défis qui découle directement du vieillissement de la population est la santé, car le risque âgé plus susceptible de souffrir de multiples maladies chroniques susceptibles de provoquer une perte d’autonomie. Bien que l’augmentation de l’espérance de vie observée au siècle dernier représente des progrès considérables, il doit maintenant s’accompagner d’une augmentation de la vie “en bonne santé”.
Il est alors impératif de déchiffrer les mécanismes biologiques à l’origine du vieillissement pathologique afin de promouvoir le «bien-être» et de réduire les inégalités en termes de santé. Les recherches actuelles, effectuées dans le monde entier par des laboratoires en géosciences, suggèrent de nouvelles perspectives dans ce domaine.
Vieillissement dans les cellules et l’ADN
Surtout, qu’est-ce qui vieillit d’un point de vue organique? C’est la conséquence d’une accumulation de dommages moléculaires et cellulaires au fil du temps, ce qui entraîne une détérioration des organes et des capacités physiques et mentales.
Chaque organe de notre corps est composé de milliers de cellules qui garantissent leur fonctionnement et contiennent chacun un noyau qui contient de l’ADN, transportant des informations génétiques, qui compose les chromosomes.
Avec l’âge, les cellules subissent un ensemble de changements bien élivés. Leur ADN devient moins stable et des altérations (mutations) peuvent alors apparaître. Ces mutations perturbent la fonction des gènes. De plus, les extrémités des chromosomes sont raccourcies avec chaque division cellulaire et deviennent trop courtes. La capacité de la division cellulaire est ensuite modifiée, qui endommage notamment l’auto-renouvellement des tissus.
D’autres altérations contribuent au vieillissement des cellules telles que l’incapacité de réguler les protéines malformées ou le dysfonctionnement des structures spécialisées (les organes) responsables de la production d’énergie qui sont appelées mitochondries. Le système immunitaire devient également moins efficace, ce qui favorise la non-détection des cellules anormales et l’apparition de tumeurs.
Sénescence, un processus délétère des pathologies liées à l’âge
Un autre mécanisme important du vieillissement est celui de la sénescence, qui fait l’objet de nombreuses recherches. Comme indiqué précédemment, les cellules sont répondues, ce qui permet un fonctionnement normal et le renouvellement des tissus. C’est le fruit d’un cycle cellulaire qui suit plusieurs étapes successives.
La sénescence correspond à une cessation du cycle cellulaire, qui cesse ensuite de se multiplier. Il se produit par une force de réplications successives de ce dernier ou après une contrainte cellulaire. Le processus de sénescence cellulaire a été décrit à la fois comme bénéfique, car il a un effet antitumoral en empêchant la prolifération des cellules cancéreuses, mais elle a également été décrite comme délétère dans les pathologies liées à l’âge.
En effet, les cellules sénescentes s’accumulent dans les tissus âgés ou malades et cessent d’exercer leur fonction d’origine mais ne meurent pas. Ils persistent pendant longtemps dans le tissu tout en libérant des molécules pro-inflammatoires et profibrotées qui entraîneront une accélération du processus de vieillissement des cellules environnantes et donc finalement des organes.
En d’autres termes, la sénescence est comme un vieux feu de signalisation dans la ville. Au début, il fonctionne parfaitement et régule le trafic sans problème. Mais, au fil du temps, il commence à dysfonctionner, certaines lumières restent bloquées en rouge et d’autres ne s’allument pas correctement. L’incendie est toujours là, mais il perturbe le trafic au lieu de le réglementer.
Heart: un organe avec un vieillissement spécifique
Le vieillissement conduit au développement de nombreuses pathologies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires qui constituent à ce jour le tueur numéro 1 du monde, c’est-à-dire la principale cause de mortalité.
Le vieillissement cardiaque a des spécificités qui la distinguent de celles des autres organes. Si nous comparons un jeune cœur et un cœur âgé, nous observons plusieurs caractéristiques telles qu’une augmentation de la taille du cœur, ainsi que l’apparition de fibres de collagène rigides dans le tissu cardiaque (fibrose), ce qui rend le cœur beaucoup moins flexible, et empêche sa relaxation et donc son bon fonctionnement.
Certaines caractéristiques, telles que l’inflammation chronique à faible bruit ainsi que la mort accentuée des cellules du cœur (cardiomyocytes), peuvent également apparaître. Cela entraîne une diminution du nombre de cellules cardiaques ainsi qu’une augmentation de la taille (hypertrophie) des cellules résiduelles.
Toutes ces altérations renforcent l’apparition des pathologies cardiaques et génère moins de résistance au stress chez les personnes âgées.
Quels liens entre la sénescence et l’insuffisance cardiaque?
Très récemment, l’apparition de cellules sénescentes dans le cœur vieillissant a été mise en évidence. Cela n’avait jamais vraiment été montré auparavant, car les cellules du cœur ne se multiplient pas contrairement aux autres cellules du corps. Cependant, la sénescence apparaît souvent à force de réplications successives.
Cette étude a donc mis en évidence une sénescence particulière, générée en particulier par une augmentation du stress oxydant par les mitochondries (ces structures spécialisées responsables de la production d’énergie dans les cellules), qui modifie les extrémités des chromosomes (appelés télomères).
Toutes ces modifications pourraient être responsables du développement de l’insuffisance cardiaque, une pathologie qui a une prévalence de 23,7% chez les personnes de plus de 85 ans [NDLR : au Québec, la prévalence chez les personnes de 80 ans et plus atteignait 17,3 % en 2015-2016]et dont le principal facteur de risque est le vieillissement.
Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque à proprement parler? C’est une incapacité du cœur à maintenir un flux sanguin suffisant pour maintenir la perfusion d’oxygène des tissus. Plusieurs symptômes peuvent apparaître, notamment des difficultés à respirer au repos ou pour l’effort (dyspnée), la toux, l’œdème pulmonaire ou périphérique, ce qui aura un impact considérable sur la qualité de vie des personnes souffrant d’insuffisance cardiaque.
Ralentir les effets du vieillissement sur le cœur
Le vieillissement est un processus inévitable. Mais, bonne nouvelle! Il est possible de ralentir ses effets!
Au niveau cardiaque, cela se traduit par une activité physique régulière pour réduire l’inflammation chronique et la sénescence dans un cœur vieillissant et préserver un bon contrôle de qualité des protéines et des mitochondries.
Un esprit zen est également nécessaire pour maintenir un bon fonctionnement cardiaque. En effet, le stress chronique peut avoir un effet nocif sur le cœur, en particulier par une augmentation de la pression artérielle et du développement d’arythmies, mais également par l’augmentation de la production de cortisol. L’excès de cortisol favorise l’accumulation de graisse, ce qui augmente le risque de maladie cardiovasculaire.
La recherche animale explore “Senohrapies”
La recherche de “Senotherapies” est également une solution actuelle originale, afin de contrer la sénescence et le vieillissement cardiaque. Les senolytiques sont une nouvelle classe de composés qui permettrait l’élimination sélective des cellules sénescentes tandis que d’autres molécules, les sénomorphiques, visent à éliminer directement les effets nocifs des composants sécrétés par des cellules sénescentes qui peuvent être pro-inflammatoires.
Certaines études chez les animaux ont déjà été en mesure de souligner le fait que l’élimination pharmacologique des cellules sénescentes améliore le remodelage cardiaque après un infarctus chez les souris âgées et améliore la fonction cardiaque en réduisant la fibrose cardiaque, l’hypertrophie et l’inflammation chez les souris souffrant d’insuffisance cardiaque.
En fin de compte, on peut imaginer une utilisation clinique potentielle, sur l’homme, de ces molécules.
Si vous avez aimé cet article, pourquoi ne pas vous inscrire à notre newsletter Health? Vous le lirez aussi tôt, chaque mardi, les explications toujours claires, détaillées et rigoureuses de notre équipe de journalistes et de professionnels de la santé. Entrez simplement votre adresse e-mail ci-dessous. 👇