Adjoint libéral au Québec de 2007 à 2022, Christine St-Pierre a été ministre de la Culture, des Communications et de l’état des femmes, ainsi que le ministre des Relations internationales et La Francophonie. Journaliste à Radio-Canada de 1976 à 2007, elle a été parlementaire à Québec et à Ottawa, puis correspondante à Washington.
Quelques heures avant le dévoilement des résultats de la course pour la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) samedi, nous pourrions ressentir une grande excitation au Centre des Congès de Québec. Les équipes de l’alerte ont tenté de lire dans leur boule en cristal le résultat d’un vote qui a donné du mal à tous ceux qui se sont aventurés à prédire un résultat, car le bulletin de vote était spécial.
Deux militants et amis de longue date assis côte à côte dans les premières rangées ont cessé de reprendre, l’un ayant voté pour Karl Blackburn et l’autre pour Charles Billion. Les deux ont quitté le moral dans les talons: l’un a promis de déchirer sa carte, l’autre a juré qu’elle resterait maintenant à la maison. Le lendemain, quand je les ai appelés, ils avaient conduit – la poussière est tombée.
Pour le nouveau chef Pablo Rodriguez, un travail intense de reconstruction du parti commence. Tout d’abord, il est essentiel de rallier les membres car la victoire est courte. Il n’a obtenu que 52% des points au deuxième tour (chaque district avait 3 000 points à distribuer, dont 1 000 étaient réservés au vote des jeunes âgés de 25 ans et moins). Une grande campagne de séduction doit très rapidement commencer sur le terrain, partout au Québec. Sa décision de ne pas entrer à l’Assemblée nationale est la bonne, car il aura plus de temps pour rencontrer des électeurs qui ont déserté le parti grâce au CAQ lors des deux dernières élections.
Pablo Rodriguez devra utiliser ses talents d’organisateurs, un domaine dans lequel il a une excellente réputation, en tenant compte de son service fidèle à Justin Trudeau depuis 2013: il a beaucoup contribué à la reconstruction de la partie libérale du Canada en Québec entre l’arrivée de Justin Trudeau en tant que chef et son élection en tant que premier ministre en 2015. Ce travail est d’abord de tous applications. Une tâche énorme avec les français, qui ont massivement tourné le dos à la fête.
Il n’y a rien d’impossible, cela dit. La nouveauté aura son effet, et le chef peut marcher avec toutes les données récentes de Pallas – enquêteNouvelles-QC125, réalisé dans les heures qui ont suivi le Congrès, qui mesure un saut dans le PLQ à 26% des intentions de vote, à seulement 5 points derrière le Parti Québécois et 11 points devant la coalition Avenir Québec. C’est dans une tranche de 65 ans et plus que les supports sont les plus forts, à égalité avec le PQ.
Le chef libéral devra également traiter son caucus avec respect. L’opération est délicate. Elle a commencé ce jeudi, avec une première réunion. Mais plus largement, il devra être reconnaissant dans les prochains mois envers ceux qui l’ont soutenu pendant la course, tout en épargnant les susceptibilités de ceux qui avaient choisi Charles Billion. Le retour au giron du député de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, qui est assis depuis trois ans, est une très bonne chose (elle a soutenu Pablo Rodriguez pendant la campagne).
Un autre grand défi pour le nouveau chef est celui du contenu. Il devra maîtriser des fichiers complexes à la pointe de ses doigts tels que la santé et l’éducation, et sortir des phrases creuses dans lesquelles il a été compensé pendant sa campagne avec leadership. Pablo Rodriguez devra également être plus précis sur les questions liées à la laïcité et au langage, et surtout celle de l’économie.
La construction d’une équipe économique de haut niveau consoliderait sa crédibilité auprès du grand public. Plusieurs voient l’ancien président du conseil d’administration du Trésor, Martin Coiteux, retourner à la politique … mais méfiez-vous, car s’il est l’architecte de l’équilibre budgétaire de Philippe Couillard qui a laissé sept milliards de dollars d’excédent, il est également celui à qui nous devons l’étiquette de compressions brutales et radicales que beaucoup n’ont pas encore oubliées – la célèbre “étiquette” …
Un vieux camion libéral qui a observé la campagne m’a admis dimanche qu’il a déploré, dans le contenu de la course de gestion, le manque de projets ambitieux et la vision du Québec de demain. Un vide que les adversaires voudront exploiter.
Quant aux médias, ayant moi-même été moi-même correspondant au Québec et à Ottawa, les façons de faire sont complètement différentes. À Ottawa, le chef du gouvernement engage des points de presse la plupart du temps très chorégraphiés, voire très courts qui laissent les journalistes en appétit. Je me souviens des sorties des réunions du cabinet de Jean Chrétien, ou même des points de presse de Stephen Harper, au cours desquels les questions des journalistes étaient limitées. Nous sommes loin des repas de la presse en marchant vers le spectacle rouge, dans les couloirs du Parlement, que nous connaissons au Québec, ou ceux du ” chambre chaude Ou au pied du grand escalier. Les questions sont incisives et nettes, et il y a beaucoup plus de proximité.
Pablo Rodriguez profite d’une bonne notoriété. Après l’annonce de sa victoire, le nouveau chef a débordé d’énergie. Ses prédécesseurs à l’unisson ont appelé les troupes en ralliement. À ceux qui le blâment de venir du fédéral, beaucoup lancent les noms de Jean Lesage et Jean Charest, qui ont tous deux dirigé le parti au pouvoir. Laissez la chance au coureur.