Grande dame du 7e art, Margaret Menegoz avait bien fait les choses. Après quarante-six ans à la tête des Films du Losange, la société de production créée en 1962 par Éric Rohmer et Barbet Schroeder, elle avait cédé l’entreprise aux producteurs Charles Gillibert et Alexis Dantec en 2021 afin d’en assurer la pérennité.
Rare femme dans un métier d’homme, elle a marqué l’industrie du cinéma en produisant les plus grands noms du cinéma d’auteur européen – Éric Rohmer, Barbet Schroeder, Rainer Werner Fassbinder, Andrzej Wajda, Wim Wenders ou encore Michael Haneke. Ils lui ont valu un Oscar, deux Palmes d’or et des récompenses dans de nombreux festivals. Présidente d’Unifrance, l’organisme chargé de défendre le cinéma français à l’international, de 2003 à 2009, elle a été chargée en 2020 de réformer l’Académie des César après la démission de son controversé président, Alain Terzian.
La Nouvelle Vague comme héritage
Allemande d’origine hongroise, née Margit Katalin Baranyai, elle débute dans le métier comme monteuse et s’installe en France en 1962 après son mariage avec le documentariste français Robert Menegoz, rencontré deux ans plus tôt au Festival de Berlin. Après avoir travaillé à ses côtés, elle est embauchée en 1975 aux Films du Losange comme “homme à tout faire” avant d’en devenir la directrice l’année suivante.
Elle y produit des cinéastes de la Nouvelle Vague comme Éric Rohmer et Jacques Rivette ainsi que toute une génération de cinéastes indépendants qui leur succèdent : Jean-François Stévenin, Marguerite Duras, Jean Eustache, Jean-Marie Straub&Danièle Huillot, Jean-Claude Brisseau ou Romain Goupil. Sous sa direction, la société s’ouvre également au nouveau cinéma allemand et produit ou coproduit Wim Wenders, Rainer Werner Fassbinder, Werner Schroeter et plus récemment l’Autrichien Michael Haneke. Le ruban blanc et Amour chacun a remporté une Palme d’or à Cannes en 2009 et 2012, le second remportant également l’Oscar du meilleur film international en 2013.
Un partenaire incontournable du cinéma d’auteur européen
Elle a déclaré qu’elle « s’impliquait dans tout » et suivait attentivement toutes les étapes d’un film avec le réalisateur, « du scénario à la sortie en salle, en passant par le développement, la préparation, le casting, le plan de travail, l’écoute des acteurs, la post-production ou encore les sous-titres anglais et allemands qu’elle relit un à un”rappellent ses collègues des Films du losange.
« J’ai toujours pensé que les femmes productrices étaient bien meilleures que les hommes parce qu’elles ont moins d’égo, moins d’arrogance. C’est un métier qui ressemble au rôle d’une mère, il faut donner du courage à tout le monde pour aller travailler, motiver. Il n’y a rien de pire pour un réalisateur qu’un retardataire dans son équipe. ” elle a expliqué à Télérama en 2017.
En 1986 et 1991, elle crée un département de distribution puis un département de ventes internationales qui font de sa société un partenaire incontournable du cinéma d’auteur européen. Première productrice française à être membre du Jury du Festival de Cannes en 1991, elle est décorée de la Légion d’honneur par François Hollande en 2012 et reçoit le Prix Raimondo Rezzonico du meilleur producteur indépendant au Festival de Locarno en 2017.