Dans son film de 1985 TampopoLe réalisateur japonais Juzo Itami raconte l’histoire épique d’un chef qui tente d’apprendre à préparer les meilleurs ramen de Tokyo. La comédie s’ouvre sur une scène de restaurant : un esthète qui a étudié pendant 40 ans les soupes de nouilles initie son disciple à l’art de la dégustation. Pour les apprécier pleinement, le vieil homme lui conseille de ne pas plonger immédiatement ; il suggère plutôt de prendre le temps d’examiner le bol, les gouttes de graisse flottant sur le bouillon, la lueur des pousses de bambou, les algues nori, les oignons qui flottent fièrement et, surtout, les magnifiques tranches de porc rôti, stars du plat. Puis, du bout de ses baguettes, il caresse amoureusement les ingrédients. Ce n’est qu’après plusieurs minutes de contemplation qu’il goûte les nouilles, en fixant intensément la viande, comme pour lui faire savoir qu’il ne l’a pas oubliée.
Cette scène illustre avec humour la passion dévorante des Japonais pour le ramen. La spécialité est si populaire qu’elle a même sa propre attraction : le musée du ramen, situé à Shin-Yokohama, à une heure de route au sud de Tokyo (imaginez un musée français consacré à la baguette jambon-beurre !). Le décor est une reconstitution étonnante des rues de la capitale japonaise en 1958, année de l’invention des nouilles instantanées.
Ce décor vintage, peuplé d’affiches de cinéma, de jouets et de véhicules du passé, abrite de nombreux véritables restaurants de ramen, ainsi que des espaces pédagogiques. C’est ici que les visiteurs découvrent que la spécialité japonaise a en réalité des origines chinoises. Lorsque le pays mit fin à une longue période d’isolement en 1868, au début de l’ère Meiji, les plats étrangers se mêlèrent peu à peu aux plats japonais. Les nouilles de blé de la Chine voisine furent associées à des spécialités locales comme le dashi (bouillon clair) et le narutomaki (pâté de poisson en forme de disque blanc incrusté d’une spirale rose), donnant naissance aux premières versions de ramen.
Aujourd’hui, il existe presque autant de types de soupes de nouilles que de villes japonaises. Bien que les ramen comprennent toujours du bouillon, des nouilles et des garnitures, chacun de ces éléments peut varier. À Tokyo, la soupe brune et salée est généralement préparée avec de la sauce soja. À Sapporo (au nord), elle est un peu plus légère, à base de pâte de miso (soja fermenté). À Fukuoka (au sud), elle est épaisse et crémeuse, avec des os de porc longuement bouillis dans le bouillon. Les nouilles peuvent être droites ou ondulées, leur épaisseur variant selon les régions. Quant aux protéines, si les tranches de porc sont courantes, elles peuvent être remplacées par du bœuf haché ou des fruits de mer.
Signe des temps, plusieurs stands proposent désormais des plats polyvalents adaptés aux pratiques religieuses (ramen halal) ou aux préférences alimentaires. Des versions végétaliennes font leur apparition, comme celles de T’s Tantan, une petite chaîne qui mise sur le sésame, les haricots et les champignons pour créer un plat aussi savoureux que nourrissant.
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