Lors de la présentation du Plan d’action 2035 d’Hydro-Québec en novembre 2023, son PDG, Michael Sabia, a créé la surprise en annonçant une première québécoise : une centrale de pompage-turbinage (PSP) de 1 000 mégawatts (un peu plus que Sainte-Marguerite-3, un peu moins que Outardes-3).
Il s’agit en fait d’une centrale électrique en circuit fermé qui relie deux réservoirs, l’un au sommet d’un barrage et l’autre en dessous. Lorsque le réservoir supérieur est vidé, l’eau qui tombe fait tourner la turbine, ce qui produit de l’électricité. Une fois la réserve épuisée, la turbine s’inverse pour pomper l’eau afin de remplir à nouveau le réservoir supérieur. Et ainsi de suite.
« Un CRP n’est ni plus ni moins qu’un accumulateur d’énergie, explique Éric McNeil, responsable des études de potentiel énergétique à Hydro-Québec. C’est une technologie éprouvée qui existe depuis un siècle. »
Ce qui rend le CRP intéressant, c’est la montée en puissance de l’énergie éolienne. Comme il souffle rarement exactement au moment où il le faut, un parc éolien doit être couplé à une centrale électrique qui assure la constance ou, si nécessaire, stocke l’énergie excédentaire. « Jusqu’à présent, le réseau était capable d’accueillir le parc éolien actuel de 4000 mégawatts, mais maintenant qu’on parle de le doubler ou de le tripler, il faudra plus de capacité de stockage », explique Daniel Rousse, professeur à l’École de technologie supérieure (ETS). D’où l’intérêt du CRP.
Cette technologie a un coût : comme toute batterie, y compris celle de votre voiture électrique, elle consomme plus d’énergie qu’elle n’en produit. « Un CRP restitue 70 à 80 % de l’énergie. C’est mieux que toutes les autres technologies de stockage », confirme Eric McNeil. « L’avantage pour nous est de pouvoir libérer 1 000 mégawatts en cas de besoin. »
Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, y voit une technologie intéressante, à condition de l’utiliser presque quotidiennement. C’est une question d’amortissement : « Plus « Plus on l’utilise souvent, plus c’est rentable. On ne peut pas s’en servir seulement un ou deux jours par an. »
Pour estimer le coût du projet, Eric McNeil jongle avec plusieurs variables : la hauteur manométrique, le débit, la taille des cuves et la période de production — le CRP fonctionnera-t-il 3, 6, 10 ou 12 heures par jour ?
La centrale de pompage-turbinage Sir Adam Beck à Niagara Falls, la seule centrale de pompage-turbinage au Canada, produit 174 mégawatts par jour sur une période de huit heures à partir d’une minuscule réserve, l’équivalent d’un petit lac de trois kilomètres carrés.
Où sera situé le premier CRP québécois ? Michel Sabourin, professeur associé à l’ÉTS après une longue carrière en conception de turbines chez Alstom et General Electric, avance une hypothèse du côté de la Baie James : « La Grande-3, juste en amont de Robert-Bourassa, représenterait un site idéal. Les énormes réservoirs sont déjà là. L’enjeu, c’est le transport. Ça devient moins intéressant si on doit construire une ligne de 1200 km pour évacuer cette production. »
McNeil explique que la flexibilité des CRP permet de les utiliser dans des endroits aussi divers que des réservoirs existants, des cratères de mines très profonds, des cavernes de mines souterraines ou des zones montagneuses. « Les recherches actuelles », dit-il, « se concentrent sur la façon de réduire les impacts. »