Tout semble avoir été dit et écrit sur Simone Veil (1927-2017), figure incontournable de la droite française d’après-guerre, survivante de la Shoah, icône de la lutte pour le droit à l’avortement et européenne engagée. La maison de ventes Christie’s dévoile une face plus intime de cette femme d’exception et de son mari, Antoine, le 4 décembre à Paris. Sept ans après le décès de leur mère, ses deux fils, Jean et Pierre-François Veil, ont choisi de vendre une partie de la collection que leurs parents avaient constituée au fil de leur longue vie commune. La soixantaine d’œuvres, estimées entre deux et trois millions d’euros, révèlent une esthétique typiquement française et classique – bourgeoise pourrait-on même dire.
Dans son autobiographie, Une vieVeil a raconté comment, dès les années 1970, lorsqu’elle était ministre de la Santé sous le président Valéry Giscard d’Estaing, elle s’évadait le samedi matin pour visiter les galeries de la rive gauche de Paris en compagnie d’un ami. Ces galeries abritaient des personnages forgés par la misère, comme Karl Flinker, un érudit d’origine autrichienne qui possédait un magasin rue de Tournon et dont la mère est décédée pendant l’Holocauste. Ou encore Claude Bernard, dandy à l’élégance débridée, premier marchand français à exposer Francis Bacon, rue des Beaux-Arts.
À partir des années 1980, Veil noue également une étroite amitié avec Catherine Thieck. Cet érudit avait quitté le Musée d’Art Moderne de Paris pour se lancer dans le monde de l’art en reprenant la Galerie de France, rue de la Verrerie. Ici, Veil a retrouvé un artiste qui lui tient à cœur, Gilles Aillaud, connu pour ses allégories animalières critiquant à la fois le système carcéral et le capitalisme. “Elle avait déjà acheté son œuvre chez Flinker et avait été séduite par sa délicatesse visuelle, malgré la violence sous-jacente. Elle entretenait un rapport tendre avec la peinture”, raconte Thieck.
Le commerçant de la rue de Seine
En 1987, à la Galerie de France, Veil tombe amoureux d’un grand paysage représentant une plage à marée basse d’Aillaud. Mais la taille était bien trop grande pour son appartement de la place Vauban, qui fait face au dôme des Invalides. Peu importe; l’artiste en a peint une autre version, plus petite, estimée par Christie’s entre 50 000 et 70 000 €.
Dans les mêmes années, Veil se rapproche de Bernard Prazan, fervent défenseur de l’abstraction gestuelle d’après-guerre. Veil et son mari ont acheté une petite huile de Gérard Schneider chez Prazan, aujourd’hui estimée entre 7 000 et 10 000 € ainsi qu’un petit format du Canadien Jean-Paul Riopelle, évalué entre 20 000 et 30 000 €. “Mon père disait que Simone Veil aimait la couleur, une peinture qui reflétait la joie de vivre plutôt que le côté sombre de l’art informel, qu’il défendait aussi”, explique Frank Prazan, qui a repris le flambeau de son père.
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