Le samedi 28 septembre, plus de 10 000 personnes ont défilé en silence dans les rues de Mestre, une ville vénitienne située sur le continent, face à la lagune. La marche a été organisée après que Giacomo Gobbato, surnommé Jack, 26 ans, a été poignardé à mort à quelques kilomètres de la capitale touristique de la Vénétie dans la nuit du 20 septembre, alors qu’il défendait une femme volée.
Les habitants se penchaient par les fenêtres pour applaudir le cortège qui progressait sur la route allant de la gare au centre-ville. Déclenchés par la tragédie, des Vénitiens en colère ont spontanément uni leurs forces pour visualiser une ville différente.
Ces dernières années, Mestre a été victime d’une augmentation constante des vols et des incidents violents liés au trafic de drogue et d’héroïne qui fait des ravages parmi les consommateurs de plus en plus jeunes. Les deux villes italiennes avec le plus grand nombre de décès par overdose de drogue sont Venise et Rome, et selon le site italien Geoverdose, sept personnes sont déjà décédées en Vénétie depuis le début de l’année. Les services de santé locaux dénombrent quelque 2 000 usagers de drogues en traitement, mais leurs chiffres ne reflètent certainement pas le nombre total d’usagers de drogues.
Un sentiment d’abandon
Parallèlement au surtourisme qui s’est répandu dans la région de Vénétie, entraînant une spéculation immobilière et une hausse des loyers, des quartiers entiers de Mestre sont désertés par une grande partie de leurs habitants. Il s’agit d’une hémorragie démographique qui a eu de graves conséquences économiques, soulignée il y a deux ans par l’artiste Freak of Nature, qui a peint environ 150 vitrines de tous les magasins vacants du centre-ville. Les rues vides et les bâtiments désaffectés sont désormais infiltrés par des organisations criminelles, et les Vénitiens qui restent vivent souvent dans la peur et se sentent abandonnés.
Le maire conservateur Luigi Brugnaro, ancien homme d’affaires dont l’élection en 2015 a été facilitée par la Ligue du Nord (LN), a toujours placé la sécurité au cœur de ses campagnes électorales. À l’été 2018, il organise une opération spectaculaire contre le trafic de drogue. Il a fait intervenir la police, l’armée et des hélicoptères et les rues autour de la gare de Mestre ont été fermées à la circulation. Ils ont arrêté 25 personnes.
Après l’assassinat de Giacomo Gobbato, le maire a continué à demander au ministre de l’Intérieur de continuer à envoyer des soldats pour maintenir l’ordre. Mais son approche répressive, couplée à une administration de neuf ans de coupes budgétaires sévères dans les services sociaux, s’est soldée par un échec. Ces derniers mois, une série d’enquêtes et d’inculpations contre le maire et ses conseillers pour corruption semblent avoir éloigné encore davantage la municipalité des attentes de ses administrés.
Il vous reste 46,97% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.