Agnès Fichot n’oubliera jamais ce jour de 1977 où, à peine sortie de ses études de droit, elle décrocha le téléphone pour appeler le cabinet de Gisèle Halimi, l’avocate la plus renommée de France. La décision était naturelle : elle voulait travailler avec elle, c’était aussi simple que cela. Elle admirait le courage, le talent et l’audace de Halimi. Elle respectait sa capacité à déclencher des débats sociaux majeurs qui ont changé la culture, les mentalités et même la loi. Halmini a incarné la lutte pour les droits des femmes avec passion et engagement sans faille. Elle avait sauvé la vie de Djamila Boupacha, une jeune militante du Front de libération nationale (FLN), en dénonçant les tortures et les viols qu’elle avait subis pendant la guerre d’Algérie. En 1971, elle signe le Manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté illégalement, malgré les risques juridiques. En 1972, Halimi avait transformé le procès de Bobigny – une affaire visant à acquitter une adolescente qui avait illégalement interrompu sa grossesse après avoir été violée. – dans une affaire historique en faveur du droit à l’avortement, ouvrant la voie à la loi Veil deux ans plus tard, qui légalisait l’avortement. C’est avec cet avocat insoumis que Fichot voulait travailler, personne d’autre.
L’appel téléphonique était amical, la voix à l’autre bout du fil était charmante mais précipitée. Fichot, alors âgé de 28 ans, décrit son premier stage auprès du célèbre avocat Albert Naud, ancien résistant et farouche opposant à la peine de mort, sur lequel il a écrit un livre. Elle a expliqué sa détermination à travailler sur les grandes problématiques féminines. Ce n’était pas suffisant pour obtenir un rendez-vous, mais la porte n’était pas totalement fermée. Quelques semaines plus tard, la jeune femme rappelle Halimi. Elle insiste, ils discutent et, cette fois, Halimi l’invite à se rendre dans son bureau de la rue Saint-Dominique au 7ème arrondissement. Et puis…
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