Dans le reportage de la journaliste Anabelle Nicoud sur les problèmes de la ville de San Francisco, une situation m’a particulièrement frappé : celle du quartier Tenderloin, dans lequel la présence de toxicomanes est si grande que des bénévoles patrouillent chaque jour dans le quartier. trottoirs pour garantir que les enfants puissent se déplacer en toute sécurité entre l’école et la maison.
Imaginez : des brigades entières pour que les écoliers puissent défiler sans se cogner sur des personnes qui s’injectent du fentanyl en pleine rue, en pleine après-midi.
Les maux qui frappent San Francisco sont bien plus graves que ceux qui touchent Montréal, mais leur nature est la même : manque d’accessibilité au logement, itinérance, épidémie de dépendance aux opioïdes, troubles de santé mentale non traités. Un cocktail toxique où chaque ingrédient renforce le côté nocif des autres.
Quand on se compare, on se console peut-être, mais pour ceux qui fréquentent le centre-ville de Montréal, il n’y a pas beaucoup de raisons de se réjouir. Car au cœur de la métropole, la même misère humaine est omniprésente, impossible à ignorer. Bureaux de Nouvelleson entend régulièrement des hurlements incohérents venant de la rue Sainte-Catherine. Croiser des personnes enveloppées dans des sacs de couchage sur le trottoir est devenu la norme. Sur les quais du métro, Les utilisateurs sont aux aguets, car les actes de violence se sont multipliés ces derniers mois.
Montréal est l’épicentre du phénomène au Québec, mais cela ne veut pas dire que les problèmes lui sont exclusifs. Lors de mon plus récent séjour dans la basse-ville de Québec, j’ai constaté la même détresse humaine. Le dernier recensement des personnes en situation d’itinérance visible, réalisé à l’automne 2022, a révélé qu’environ la moitié d’entre elles se trouvaient à Montréal ; les autres étaient répartis dans toutes les régions et se comptaient partout par centaines. L’exercice a abouti à une estimation de 10 000 pour l’ensemble de la province. De toute évidence, ce nombre a augmenté depuis.
« Une crise humanitaire ici », c’est le titre d’un rapport que nous avons publié en novembre 2022, dans lequel le journaliste Christopher Curtis donne la parole aux sans-abri et montre toute la complexité du processus à mettre en œuvre. endroit pour les aider à échapper à cette misère. Comme lui l’a dit le PDG de Mission Bon Accueil, Samuel Watts, trouver un appartement abordable et obtenir un supplément au loyer est déjà un miracle, mais ce n’est qu’un début : il faut alors un service d’accompagnement pour que cette personne trouve sa place pour bien. « Vous travaillez avec trois niveaux de gouvernance », explique Samuel Watts. Vous devez vous assurer que les services sociaux et de santé, qui relèvent de la compétence du Québec, parlent du logement, qui relève de la compétence fédérale, et qu’ils se coordonnent avec la Ville. Essayez de les mettre sur la même longueur d’onde. Ce n’est pas facile. Et même lorsqu’ils sont tous d’accord, la machine gouvernementale reste lente. »
Non seulement la machine est lente, mais elle semble carrément dépassée par les événements.
Car ce qui s’incarne dans ces destins brisés, ce sont tous les trous de notre filet social et notre incapacité actuelle à les réparer. C’est ce qui est à l’origine de la spirale des échecs en matière de protection de la jeunesse, du manque de logements sociaux, des carences en ressources en santé mentale et en soutien psychosocial. Ce sont des tragédies individuelles et un échec collectif.
En fait, c’est aussi un drame collectif. Cela touche les proches de ces personnes en détresse ; des acteurs communautaires dépassés par la tâche ; les réseaux policier et judiciaire, et celui de la santé ; les citoyens en situation d’insécurité ; des villes qui voient leur climat se dégrader.
Ce n’est pas seulement un problème du centre-ville. C’est un manque de réelle volonté d’aider ceux que notre système a échoué.