LE DR René Wittmer est médecin de famille et professeur associé à l’Université de Montréal. Il est également président de la campagne Choisir le quartier QuébecUn mouvement canadien visant à réduire les examens médicaux et les traitements inutiles.
Certaines personnes se tournent rapidement vers un professionnel de la santé pour être rassurée. D’autres fuient les cabinets médicaux tels que la peste. Dans sa forme la plus intense, cette peur des médecins a même un nom: iatrophobie. En 2023, près de la moitié des adultes américains ont déclaré qu’ils ressentaient de l’anxiété avant un rendez-vous médical. Cette anxiété, bien que souvent banalisée, peut avoir de réelles conséquences sur la santé si elle prend rendez-vous.
Comme cette peur n’a pas la même origine pour tout le monde, savoir d’où elle vient peut aider à la surmonter.
La peur des mauvaises nouvelles ou de l’inconnu
Certaines personnes évitent les visites chez le médecin précisément parce qu’elles craignent qu’on leur dise de mauvaises nouvelles. Il est humain de craindre l’inconnu. Mais il faut se rappeler: faire l’autruche ne règle rien. Parfois, la consultation précoce facilite la résolution d’un problème – ou même d’empêcher son évolution vers quelque chose de plus grave.
Peur du jugement
Pour beaucoup de gens, la peur d’être jugée peut devenir un véritable obstacle à une consultation. Peur d’être montré le doigt à cause de votre poids, de ne pas faire assez d’exercice, de consommer du tabac ou de l’alcool, ou même pour avoir attendu trop longtemps avant de demander de l’aide. Ces craintes sont réelles et, malheureusement, des témoignages d’expériences négatifs les renforcent. Mais le rôle du médecin n’est pas de juger. Bien que je parle souvent des habitudes de vie avec mes patients – parce que cela fait partie de mon travail – je sais qu’arrêter de fumer, changer votre alimentation ou revenir est loin d’être simple. Il est particulièrement crucial pour moi d’avoir accès à la vérité pour faire le bon diagnostic. C’est pourquoi il est si important de créer un climat sans jugement, où chaque personne peut se sentir en confiance.
Peur de perte de confidentialité
À l’ère des soins numériques, il est normal de vous demander si vos données médicales sont sûres. L’informatisation des fichiers s’accompagne également de mécanismes de protection renforcés: l’accès à votre fichier est surveillé, et il est possible d’assurer un suivi rigoureux. De plus, la plate-forme Carnet Santé Québec permet à chaque personne de voir quels professionnels ont consulté leurs données médicales et quand.
Les professionnels de la santé sont liés par une stricte conformité à la confidentialité. Tout ce qu’un médecin voit, entend ou lit dans le contexte de son travail est protégé par le secret professionnel. Concrètement, cela signifie qu’il ne peut jamais transmettre ces informations sans votre autorisation. Il y a quelques exceptions – par exemple si votre sécurité ou celle des autres est en danger – mais ces situations sont rares et rigoureusement encadrées par la loi.
La peur de déranger
Certains minimisent leurs symptômes car ils ne veulent pas encombrer un système déjà surchargé. Ils se disent que les autres ont sûrement besoin d’un rendez-vous. Mais la consultation dans le temps peut éviter les complications – et vous éviter de nombreuses préoccupations. Non, vous ne dérangez pas. Oui, votre santé mérite l’attention.
Peur des traitements
D’autres patients ont différentes sources d’anxiété: la peur de souffrir d’effets secondaires, de prendre des médicaments à vie ou de subir des traitements invasifs. Il est vrai que certaines décisions médicales ont des conséquences à long terme. Mais ce sont rarement des décisions unilatérales. La médecine moderne est basée sur une décision partagée. Nous discutons des options, des avantages, des risques. Nous prenons en compte vos préférences car, en fin de compte, chaque personne doit consentir à les soins avant de les recevoir.
La peur des lieux médicaux eux-mêmes
Hôpitaux, salles d’attente, couloirs sans fin: il peut être désorientant, voire oppressif. Je me souviens encore de mes premiers jours en tant qu’étudiant en médecine, où trouver simplement le bon étage représentait un défi. C’est-à-dire à quel point l’environnement médical peut être intimidant pour quelqu’un qui n’y est pas habitué.
Phobies très réelles
La peur du médecin peut également faire partie d’un ensemble de phobies liées à la santé et d’une visite médicale:
- peur des aiguilles (trypanophobie);
- peur du sang (hémophobie);
- peur des maladies (nosophobie);
- peur des hôpitaux (nocephobie);
- Peur de mourir (Thanatophobie).
Ces phobies ne sont pas imaginaires. Ils existent et peuvent être traités à l’aide d’un professionnel de la santé mentale.
Une question de sexe?
On entend souvent que les hommes sont plus susceptibles que les femmes de reporter un rendez-vous médical. Et c’est vrai: plusieurs études le confirment. Le conseil peut être perçu comme une admission de vulnérabilité, en contradiction avec certains modèles de masculinité. De plus, selon les auteurs, les hommes ont tendance à avoir une confiance un peu plus faible dans le système de santé. Enfin, les femmes ont souvent été amenées à consulter plus tôt dans leur vie (pour la contraception, le suivi gynécologique -up), ce qui leur rend plus familier.
De vraies conséquences
La déclaration d’une consultation peut transformer un problème bénin en une préoccupation majeure. De nombreuses maladies silencieuses, telles que l’hypertension ou le diabète de type 2, ne provoquent aucun symptôme, ou très peu, mais leurs complications peuvent être graves et beaucoup plus complexes à traiter: maladie cardiaque, lésions rénales, accidents vasculaires cérébraux.
Prendre rendez-vous peut avoir des conséquences sur notre santé, mais aussi sur celle de nos partenaires, comme dans le cas où nous reportons le dépistage pour les infections sexuellement transmissibles et le sang.
Conseils pour surmonter cette peur?
Si vous vous reconnaissez dans cette peur d’aller voir le médecin (ou si l’un de vos proches est dans cette situation), voici quelques avenues de solutions à explorer:
- Déterminez ce qui vous inquiète, demandez-vous de quoi vous avez peur. Nommer une peur peut être suffisante pour le rendre plus gérable et mieux y faire face.
- Faites-vous accompagner une personne de confiance. Un être cher peut vous rassurer et vous soutenir.
- Une fois au bureau, parlez de votre peur à votre médecin. Cela lui permettra d’adapter son approche en tenant compte de vos peurs.
Si l’idée qui vous est proposée est anxieuse, n’hésitez pas à poser ces quatre questions, de la campagne de choisir avec soin, à votre médecin. Ils vous permettront de vous assurer que ce sont des examens ou des traitements vraiment nécessaires:
- Ai-je vraiment besoin de ça?
- Quels sont les côtés négatifs?
- Y a-t-il des options plus simples ou plus sûres?
- Que se passe-t-il si je ne fais rien?
Si vous avez peur du médecin, dites-le. Nous sommes formés pour traiter les gens, mais aussi pour les écouter. Et si nous savons que vous avez peur, nous pouvons mieux vous accompagner.
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