PARIS : « Il a tué le père », juge une source de Renaissance. En prenant rapidement la présidence du groupe à l’Assemblée, Gabriel Attal précipite une autonomisation, voire une « rupture » avec Emmanuel Macron qui, sans parvenir à imposer ses volontés, jugeait « désastreux » le « spectacle » donné par son ancienne majorité.
Il n’y aura peut-être plus de groupe “Renaissance” à proprement parler pour très longtemps. Le chef du gouvernement a fait savoir – pour quelques jours encore – que sa première proposition serait de le rebaptiser “Ensemble pour la République”.
Une page à tourner pour Gabriel Attal, qui promet dans sa profession de foi de tirer « toutes les leçons apprises depuis 2017 et encore plus depuis 2022 », et n’évoque à aucun moment Emmanuel Macron.
L’unique candidat, le député des Hauts-de-Seine, sera formellement intronisé samedi matin, à l’issue d’un vote électronique auquel sont conviés les députés rattachés au groupe (95 vendredi midi).
Une formalité qui conclut une semaine tendue pour les macronistes, entre rumeurs persistantes de candidatures d’Elisabeth Borne ou de Gérald Darmanin contre Gabriel Attal, ou celle d’un trio baroque Attal-Borne-Darmanin entourant le président sortant Sylvain Maillard.
Pour couronner le tout, de nombreux députés sortants ont longuement pesé le pour et le contre avant de rejoindre le groupe.
– « À la découverte de l’indépendance » –
De quoi susciter la colère du chef de l’Etat, qui a déploré un “spectacle désastreux” lors d’une réunion à l’Élysée vendredi midi, où il a convoqué les principaux dirigeants de Renaissance, leur rappelant la “nécessité de fidélité au projet” initié en 2017, selon un proche.
“Le président ne voulait pas de Gabriel dans le groupe. Mais il est plus fort et la force va avec la force”, a déclaré un parlementaire de Renaissance.
Un proche de M. Macron résume la semaine de manière acide : « Avant de partir pour Washington (mercredi), le président avait demandé d’attendre septembre pour désigner un successeur afin de préserver l’unité du groupe. Dès qu’il a eu un pied dans l’avion, Attal a dit qu’il était urgent d’organiser des élections… »
Quant à Gérald Darmanin et Elisabeth Borne, “ils ont envisagé d’être candidats et ne l’ont pas été, c’est tout. Il n’y a eu aucun arrangement”, écarte un conseiller de l’exécutif, rejetant l’idée d’un président tirant les ficelles pour empêcher son Premier ministre d’obtenir gain de cause.
Mais de combien de cordes dispose encore Emmanuel Macron, affaibli par une dissolution qui a affaibli son camp au Parlement ? « Nous ne sommes plus dans une situation où l’Elysée peut promettre des postes ministériels », reconnaît le même conseiller de l’exécutif.
« Il découvrira l’indépendance de son camp », prédit une source de la Renaissance.
– « Des rampes de lancement pour 2027 » –
“Ce n’est pas une autonomisation, c’est une rupture”, craint un député macroniste, soupirant face à la bataille des leaders pour la présidence du groupe au détriment, selon lui, de débats internes sur les “lignes programmatiques” ou la montée de l’extrême droite.
« Est-ce qu’on crée des rampes de lancement pour 2027 ? », demande-t-il.
Lors de cette réunion, la démission du gouvernement avant le 18 juillet et la candidature au poste de présidente sortante de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, ont également été évoquées.
Gérald Darmanin a jeté des bâtons dans les roues vendredi, minimisant l’importance de l’élection de son Premier ministre à la tête des députés.
“Les élections au sein du groupe ne résolvent (…) en rien” les “problèmes majeurs”, a écrit l’élu du Nord à ses collègues députés, citant “la ligne politique”, mais surtout “le fonctionnement du parti”, alors qu’il aurait des vues sur la présidence de Renaissance.
“Les députés qui soutenaient Gabriel Attal avaient fait pression toute la semaine en disant qu’ils ne viendraient pas (au groupe) et ont finalement adhéré. C’est sans doute aussi ce qui a agacé Gérald Darmanin”, s’indigne un député.
Les deux dirigeants parviendront-ils à cohabiter ? « L’unité, comme la vie de couple, ne se décrète pas : elle se construit chaque jour », glisse malicieusement l’ancien maire de Tourcoing dans son message.
“C’est le règne des règlements de comptes. Ils vont faire leur congrès en octobre. Ce sera le congrès de Rennes en pire”, prédit un membre du parti allié Horizons, en référence au congrès qui a déchiré le Parti socialiste en 1990.