Mathilde Plard est chercheuse pour le National Center for Scientific Research (CNRS) à l’Université des Angers. Amélie Cloutier est professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Dans nos sociétés contemporaines, marquées par une accélération constante du rythme de la vie et une hyperconnectivité omniprésente, beaucoup ressentent une perte de lien avec elles-mêmes et leur environnement. Le bien-être touristique peut, dans ces conditions, fournir une aide précieuse.
Bonne nouvelle: le Québec est un sol idéal pour ce type de tourisme!
Contrairement au tourisme médical, axé sur les soins curatifs, le bien-être du tourisme met en évidence une approche préventive et holistique du bien-être.
Ce type de tourisme offre une immersion dans un cadre propice au recentrage: bains du Nord, pensions de yoga, remèdes thermiques, expériences en plein air. Ce n’est pas seulement une question de relaxation, mais une redéfinition de la relation avec le corps et le temps, permettant de sortir du cycle d’urgence et d’hyperproduth.
CNRS chercheur en France associé au président du tourisme Transat, ma recherche se concentre sur les pratiques corporelles et la manière dont ils engagent une relation particulière avec le corps pour ressentir l’auto-expérience. Mon co-auteur est professeur à UQAM et directeur scientifique de la présidente de touriste Transat. Elle s’intéresse particulièrement à l’innovation des produits touristiques et des analyses sectorielles avec un intérêt particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Nous pensons que le boom du tourisme de bien-être n’est pas simplement un phénomène de mode, mais un besoin profond de restaurer le sens à l’expérience du temps et du corps.
Résonance et bien-être touristique
Selon le sociologue allemand Hartmut Rosa, nos sociétés connaissent une “accélération du temps social”, où les impératifs de la performance et de la surstimulation fragment notre attention et renforcent un sentiment de vide et de fatigue psychologique.
Face à cette fragmentation, Rosa introduit le concept de «résonance», qu’il définit comme la capacité d’entrer dans une relation profonde avec soi, avec les autres et avec le monde. Cependant, ce besoin de résonance semble de plus en plus difficile à répondre dans une vie quotidienne saturée par les exigences du travail, les demandes numériques et l’impression persistante de manque de temps.
Ce contexte explique le développement de pratiques pour restaurer un lien avec le corps et l’environnement. Le bien-être touristique fait partie de cette quête de résonance en offrant des expériences sensorielles et immersives qui permettent de ralentir et de se recentrer, comme la méditation, les bains nordiques ou les pensions en grand plein air.
Québec, un champ d’expérimentation privilégié
Le climat du Québec et la richesse de ses paysages naturels sont un atout majeur pour le développement du tourisme de bien-être.
En fait, le Québec est positionné parmi les principales destinations mondiales pour le tourisme de bien-être grâce à une combinaison unique de ressources naturelles, d’infrastructures de qualité et d’initiatives gouvernementales faisant la promotion de ce secteur. La province est notamment reconnue pour ses spas nordiques, qui exploitent le contraste chaud.
L’expérience immersive du froid, souvent perçu comme un défi, devient un outil de régénération. Certaines pratiques, telles que l’exposition au rhume, mettent en évidence ses avantages physiologiques et psychologiques.
Un secteur d’expansion et de structuration
Le Québec évolue sur un marché international du tourisme de bien-être où certaines destinations ont déjà une forte notoriété.
La Scandinavie, un berceau historique de pratiques thermiques, sert souvent de référence dans ce domaine. Les pays nordiques ont développé une culture du sauna et du bain chaud / froid pendant des siècles. Par exemple, le premier bain public suédois a été inauguré en 1269 à Stockholm. Cette pratique est depuis devenue un grand produit d’appel touristique.
La Finlande, par exemple, compte des millions de saunas pour 5,5 millions d’habitants. La tradition du bain nordique est donc ancrée à la fois dans la vie quotidienne des Finlandais eux-mêmes, comme à la réception des visiteurs.
L’attractivité des destinations scandinaves est basée sur la symbiose entre le bien-être et la nature, où les montagnes, les fjords et les forêts servent de cadre pour les pensions associant les activités de plein air et la relaxation à l’état sauvage.
Québec à l’horizon de la Scandinavie
Le Québec partage avec ces pays un environnement naturel riche et changeant au cours des saisons, propice aux expériences de spa dans les grands étés et hiver en plein air.
La province a réussi à adapter et à importer le concept de thermothérapie scandinave, en intégrant des approches inspirées des traditions nordiques et en les ajustant aux réalités locales. Ce positionnement sur le marché international lui permet de se démarquer et d’attirer des clients nord-américains et européens à la recherche de ressources et d’expériences immersives.
L’industrie du tourisme du bien-être du Québec bénéficie également d’une structuration croissante avec des initiatives publiques et privées visant à renforcer l’attractivité de ce secteur. L’alliance de l’industrie du tourisme québécoise s’efforce de mieux comprendre les tendances et de promouvoir le développement durable du bien-être en intégrant les pratiques écologiques et responsables.
Le développement économique régional est un autre moteur de cette expansion. De nombreux villages et régions ruraux parient sur ces offres pour compenser la saisonnalité du tourisme et diversifier leurs activités économiques. Ces initiatives permettent de dynamiser les secteurs moins exploités en attirant des clients à la recherche d’expériences holistiques et immersives.
Aperçu de la présente étude
Dans le sillage d’autres études, nous analysons les formes contemporaines du tourisme de bien-être au Québec dans le cadre de nos recherches en mettant en évidence la dynamique de résonance qu’ils engagent. Nous réalisons cette étude en deux étapes.
Premièrement, nous analysons les recherches existantes sur le tourisme de bien-être afin d’identifier les tendances et les facteurs influençant l’offre et la demande.
Ensuite, nous identifions les fournisseurs de Québec, qui offrent par exemple les services spas, les pensions de yoga, l’hébergement dans les grands espaces, etc.
Notre objectif est d’offrir une typologie des offres touristiques de bien-être au Québec, afin de mieux comprendre leur rôle dans la quête de la résonance des individus. Cette classification permet également d’orienter les joueurs du secteur vers des pratiques durables et de s’adapter aux attentes des visiteurs.
Typologie des offres touristiques de bien-être au Québec
Type d’offre | Description | Nature de la résonance | Exemple au Québec |
---|---|---|---|
Immersion nordique | Expositions basées sur l’exposition au contraste froid et thermique (sauna, bain glacé, thermothérapie) | Résonance corporelle et sensorielle: redécouverte des limites et des capacités du corps face aux éléments naturels | Nordik Spa-Nature, Chelsea |
Séjours holistiques | Pensions combinant la méditation, le yoga, les aliments conscients et les soins énergétiques | Résonance intérieure: alignement personnel, reconnexion aux émotions et aux sensations profondes | Centre de vie, ripon |
Expériences de plein air | Marcher dans la forêt, les bains de nature, l’écospritté, la reconnexion avec des éléments naturels | Résonance environnementale: connexion profonde à la nature, immersion sensorielle et contemplation | Kanatha-Aki, Mont-Trembant |
Tourisme thermique et spas | Expérience centrée sur l’hydrothérapie et le bien-être du corps, combinant les soins, le repos et la régénération | Résonance apaisante et régénérative: relaxation des tensions et restauration de l’équilibre psychophysique | Strøm Spa, Vieux-Québec |
Obstacles à surmonter
Malgré son boom, le bien-être du tourisme n’est toujours pas très structuré au Québec. Il n’y a pas de certification officielle ou un guide complet permettant aux voyageurs d’identifier facilement les offres adaptées à leurs attentes. Ce manque de normalisation complique l’accès à ces expériences et ralentit le développement harmonieux du secteur.
L’un des principaux défis réside dans la formation des professionnels, que ce soit des massothérapeutes, des animateurs de stage ou des guides de bien-être.
De plus, le développement durable du bien-être du tourisme soulève des problèmes écologiques. La préservation des espaces naturels est cruciale pour éviter le tourisme de masse qui pourrait modifier la qualité de l’expérience recherchée par les visiteurs et affaiblir les écosystèmes.
Repenser le voyage
Au-delà de ces défis, le boom du bien-être du tourisme témoigne d’un changement profond dans notre relation à voyager. Dans une société où le stress et la surcharge cognitive saturent la vie quotidienne, ces expériences nous permettent de trouver une présence pour soi et dans le monde. L’expérience du froid, du silence et de la lenteur devient ainsi un remède pour le débordement moderne.
En fin de compte, le bien-être du tourisme n’est pas une tendance simple, mais une réinvention des voyages comme une expérience de reconnexion. Il reflète un désir croissant de réinvestir le temps libre et les loisirs, non pas comme une simple évasion, mais comme une quête de bien-être sens et holistique.
Dans cette perspective, le Québec, avec ses ressources naturelles et ses initiatives en plein essor, est positionnée comme un champ d’expérimentation privilégié pour cette “douce révolution” du tourisme qui apprécie à la fois le bien-être des visiteurs et la préservation des territoires.