Après de nombreux rebondissements, un problème de certification des moteurs équipant ces taxis aériens empêche la tenue de vols de démonstration au-dessus de la Seine.
Les Jeux olympiques devaient être le théâtre d’une démonstration d’innovation franco-allemande. Mais le taxi volant de la société Volocopter a subi un nouveau revers. L’entreprise du Bade-Wurtemberg, soutenue par le Groupe ADP et la région Île-de-France, devait faire des démonstrations en vol depuis la péniche d’Austerlitz. Mais ses appareils resteront cloués au sol à Paris. En cause, l’absence de certification de ses moteurs à temps.
Le contretemps est dû à « un sous-traitant américain qui n’a pas été en mesure de livrer ce qu’il avait promis », selon Dirk Hoke, PDG de Volocopter. « Les moteurs qui devaient équiper l’appareil prévu pour Austerlitz ont dû être renvoyés aux États-Unis pour inspection. Ils reviendront la semaine prochaine, mais pas à temps pour effectuer les vols depuis la barge. »
Une certification très attendue
Comme l’a confirmé à Franceinfo Augustin de Romanet, président-directeur général du groupe ADP, le projet n’est pas abandonné mais plutôt reporté de quelques semaines, dans l’attente de modifications.
« Pour voler, il faut une certification de l’organisme européen. Or, le moteur présentait de petites vibrations qui ont justifié que l’AESA demande au constructeur américain d’effectuer des modifications. »
Ce « permis de vol » requis pour les vols habités est une première étape vers la certification complète, nécessaire à l’exploitation commerciale.
Ce n’est pas la première fois que la compagnie allemande rencontre des difficultés. Elle n’était pas parvenue à obtenir l’approbation de l’EASA et de la DGAC pour effectuer des transports commerciaux pendant les Jeux. Résultat, les vols prévus cet été ont dû être effectués gratuitement.
Rapports administratifs négatifs
Par ailleurs, de nombreux documents officiels ont remis en cause la pertinence de ce nouveau mode de transport urbain dans les conditions proposées. L’Autorité environnementale a ainsi rendu un rapport négatif en septembre 2023 sur le vertiport du quai d’Austerlitz. L’agence estime que l’étude d’impact des promoteurs était incomplète et s’interroge sur les nuisances sonores des avions, qui doivent voler à 60 dB.
Dans un autre rapport rendu en février dernier, la commission d’enquête publique sur la création d’un vertiport sur le quai d’Austerlitz à Paris a également émis un avis défavorable. Les coûts énergétiques de l’expérimentation et du futur service urbain ont notamment été soulignés comme « en contradiction avec les politiques de sobriété énergétique ».
L’opposition ferme de nombreux élus
La position du Conseil régional d’Île-de-France, qui a cofinancé l’innovation lors de deux aides votées, a également été critiquée. Comme l’explique Céline Malaisé, présidente du groupe Gauche communiste écologiste citoyen, à BFM Business :
« C’est une question d’argent public. La Région a financé le projet à hauteur de 1,5 million d’euros. C’est de l’argent qui ne devrait pas être utilisé pour cela, mais plutôt pour les transports publics. »
L’élu dénonce aussi les passages en force de l’entreprise, au détriment de toute concertation démocratique. “L’autorité environnementale donne un avis négatif, la commission d’enquête aussi. Il leur faut donc un arrêté ministériel, qui est donné par un gouvernement démissionnaire.” L’arrêté autorisant l’expérimentation sur la plateforme de la Seine a été publié par le ministère des Transports en juillet.
« On constate que les procédures habituelles sont contournées pour une innovation qui est un gadget et qui n’a pas de réelle utilité sociale », critique Céline Malaisé.
Egalement directement opposés au projet, les élus de la Ville de Paris ont déposé un recours contre l’autorisation gouvernementale, dénonçant une “aberration écologique”. Les élus parisiens y voient aussi un mode de transport coûteux et peu accessible à tous.
La mairie de Paris a été déboutée sur la forme par le Conseil d’Etat le 24 juillet, qui doit statuer sur le fond à la rentrée. L’adjoint aux routes David Belliard se félicite aujourd’hui que “les taxis volants pour les super-riches restent cloués au sol”.
Difficultés de financement
Finalement, après ces déboires administratifs et politiques, l’entreprise a aussi connu des difficultés de financement. Le refus des autorités bavaroises, après celui du Bade-Wurtemberg, de contribuer à des prêts garantis a contraint la jeune entreprise à chercher d’autres sources de financement. En avril, le directeur de Volocopter s’inquiétait d’un risque d’insolvabilité. Selon les informations du Süddeutsche Zeitung, Volocopter recherchait une garantie de crédit de 50 millions d’euros.
Toutefois, comme le note le quotidien allemand, les investisseurs restent prudents face à ce marché naissant dont les appareils ne sont toujours pas homologués. En juin, l’entreprise avait annoncé que ses actionnaires lui avaient accordé un financement supplémentaire, lui permettant d’aller chercher le fameux sésame de la certification.
Avec le retard lié à ses moteurs, la compagnie rate donc la formidable fenêtre des Jeux olympiques. Et le nouvel objectif sera désormais de lancer des vols « avant la réouverture de Notre-Dame en fin d’année », selon Augustin de Romanet.
Ce jeudi et dimanche, des démonstrations seront toutefois organisées avec un prototype à Saint-Cyr-l’École. Le premier vol sans passagers a été réussi ce matin. Optimiste malgré les signaux faibles, le PDG d’ADP a noté sur Franceinfo : “si l’innovation était simple, ce ne serait pas de l’innovation”.