HISTOIRE – Une France ingérable, un nouveau gouvernement tous les quatre matins, une politique de l’inaction… C’est ainsi que la IVe République est décrite par ceux qui la comparent à la situation que pourrait connaître la France au lendemain des élections législatives.
À l’Assemblée nationale, la composition des groupes parlementaires est plus que jamais déterminante
Et pourtant, loin de cette caricature, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en haut de l’articlece régime, bien qu’instable, ne faisait pas de la France un pays ingouvernable, surtout dans une période décisive pour l’avenir du pays.
La IVe République fut en effet un régime porté seul par des alliances fragiles, qui vit se succéder 24 gouvernements, et une valse ministérielle constante entre 1946 et 1958. Pourtant, pour Gilles Richard, professeur émérite et président de la société française d’histoire politique, il est difficile de parler de « immobilité ». « Il y a un gouvernement tous les six mois, oui, mais comme sous la Troisième République, et cela n’a pas empêché le pays de se développer.” il assure.
Un régime où les députés sont maîtres du jeu
Après la Seconde Guerre mondiale, la France tourne la page du régime de Vichy, avec le retour de la République qui donne naissance, non sans mal, à une nouvelle Constitution. Elle accorde des pouvoirs accrus au Parlement, au détriment de l’exécutif, et suscite autant de défiance chez les communistes de gauche, que chez les gaullistes de droite.
C’est contre eux que la « Troisième force »la première coalition hétéroclite allant de la SFIO à la droite libérale, qui ne partage pas grand-chose d’autre que ces ennemis communs.
Dans un régime où l’Assemblée nationale est maîtresse, où les députés sont élus à la proportionnelle, mais où aucune majorité absolue ne se dégage, les gouvernements – alors appelés cabinets – se succèdent au gré d’alliances qui se détruisent et se reconstruisent.
La pratique du vote de confiance
La particularité de ce régime parlementaire réside dans le contrôle des députés sur ces cabinets, qui engagent régulièrement leur responsabilité via un vote de confiance. La Constitution impose que le gouvernement ne démissionne que si la majorité absolue des voix lui est défavorable. Mais dans une telle configuration, le gouvernement est souvent mis en minorité, la confiance n’étant accordée qu’à une majorité relative… à laquelle le gouvernement réagit en démissionnant.
Et pourtant, malgré les crises ministérielles quasi hebdomadaires, dans la réalité, une certaine continuité est assurée. D’abord parce que, si les gouvernements tombent, les hommes restent. Il y a des changements qui sont tout à fait relatifs. Un homme comme Pierre Pflimlin a été ministre seize fois sur vingt-quatre gouvernements. “, explique l’historien Gilles Richard.
Par ailleurs, même si son rôle est considérablement réduit, le président de la République ne connaît pas le même bouleversement. En douze ans, seuls Vincent Auriol puis René Coty ont assumé cette fonction.
Dans cette instabilité, la France n’est pas bloquée et fait face aux grands enjeux de son époque, et notamment à la reconstruction du pays. Elle s’attèle à la reprise de l’industrialisation, ou à la modernisation de l’agriculture et le pays retrouve la prospérité économique et le plein emploi, c’est le début des Trente Glorieuses.
Des décisions marquantes furent prises, comme la création de la TVA et d’EDF, ou lors de l’acceptation du Plan Marshall en 1947 ou encore lors de l’adhésion de la France à l’OTAN en 1949. C’est également sous la IVe République que fut créée la Communauté européenne.
La crise algérienne met un frein au régime
La décolonisation a aussi été amorcée avec les indépendances du Maroc et de la Tunisie, par exemple. Mais c’est pourtant sur ce dossier que la IVe République montrera ses plus grandes faiblesses, et plus précisément sur la crise algérienne, qui nécessitait un pouvoir beaucoup plus fort pour être résolue. Les deux dernières années de la IVe République, aucune majorité n’émergeait, les gouvernements étaient très composites, et ils étaient incapables de résoudre la guerre d’Algérie… et c’est vrai que le problème était grand. ” explique Gilles Richard.
Après le fiasco de la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie débute en 1954 et le conflit s’éternise. Le 13 mai 1958, une foule de manifestants descend dans les rues d’Alger pour défendre l’Algérie française et le coup d’État militaire du général Massu à Alger marquera la fin de la IVe République.
Le général de Gaulle, qui se trouvait en pleine situation de désert depuis le début de ce régime, fut appelé à la rescousse. Il fut le dernier président du conseil de la IVe République, avant de devenir le premier président de la Ve République.
Voir aussi sur Le HuffPost :
Macron écrit aux Français et pose ses conditions pour la nomination d’un Premier ministre
De Nadine Morano à Édouard Philippe, la main tendue de la droite à Emmanuel Macron pour contrer la gauche