Ils sont plus de 9 millions. Précisément 9,1 millions de personnes vivent dans la pauvreté en France, c’est-à-dire avec des ressources inférieures à 60 % du revenu médian, soit moins de 1216 euros par mois pour une personne seule. Ce résultat de la dernière enquête de l’Insee pour l’année 2022, publié ce jeudi, révèle un taux de pauvreté de 14,4 % de la population en France métropolitaine.
Étudiants, mères célibataires et travailleurs précaires
“Ces chiffres sont une catastrophe”, alerte la sénatrice communiste du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly. “Cette pauvreté, je la rencontre tous les jours dans mon département. Ce sont souvent des jeunes étudiants, des travailleurs indépendants, des mères célibataires, des demandeurs d’emploi mais aussi des travailleurs précaires ! Récemment, j’ai rencontré des ouvriers qui travaillent depuis 30 ans dans l’usine Logil à Noyelles-sous-Lens. Ils gagnent 1 300 euros par mois. Comment voulez-vous vivre dignement ?”
Ce taux de pauvreté a peu évolué depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017 (14,1 %). « Emmanuel Macron n’a rien fait pour améliorer les choses », déplore Cathy Apourceau-Poly. « La stratégie du ruissellement de la richesse promise par le président n’a pas fonctionné », regrette Olivier Henno, sénateur centriste du Nord. « Même si Emmanuel Macron a réussi à réduire le chômage ces dernières années, le problème est que le travail peu qualifié paie mal. La valeur du travail a été dévalorisée par rapport à l’économie rentière, qui a davantage prospéré. »
Plus de 13% de la population doit faire des sacrifices
Une autre étude de l’Insee montre que les Français sont deux fois plus nombreux à devoir se priver par rapport à il y a dix ans. Début 2023, 13,1 % de la population déclarait renoncer à certains produits ou services, comme manger de la viande ou du poisson un jour sur deux, chauffer correctement son logement ou partir une semaine en vacances chaque année. Ces renoncements correspondent à des secteurs touchés par l’inflation : le prix de l’alimentation, en hausse de 15 % sur un an en février 2023, et celui de l’énergie, en hausse de 14 % sur la même période. « Les gens sont obligés de faire des choix entre manger correctement ou chauffer leur logement », dénonce Cathy Apourceau-Poly. « Je connais des femmes aides à domicile qui sont obligées de se rendre au travail en vélo parce qu’elles ne peuvent plus payer l’essence de leur voiture… »
Le mal-logement, signe de cette précarité croissante
« Cette enquête de l’Insee sur la pauvreté confirme aussi la mauvaise situation du logement que nous constatons depuis des années dans nos travaux au Sénat », commente la sénatrice centriste du Pas-de-Calais, Amel Gacquerre, très en pointe sur ces questions de logement et présidente de l’actuelle commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés. « Les chiffres sont inquiétants : 4,2 millions de personnes mal logées, 300 000 sans-abri. 6 millions de Français ne peuvent pas chauffer leur logement comme ils le souhaitent. Le gouvernement a manqué de politiques volontaristes en la matière ces dernières années. Il doit accélérer la construction de logements, dans le secteur privé comme dans le secteur social, ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments. »
Sur la question de l’hébergement d’urgence, le bilan d’Emmanuel Macron semble plutôt positif : depuis 2017, le nombre de places est passé de 120 000 à plus de 200 000. Mais pour Amel Gacquerre, “cela reste insuffisant”.
Les familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvreté
L’une des catégories de population les plus touchées par la pauvreté est celle des familles monoparentales. En 2022, 31,4 % d’entre elles vivaient sous le seuil de pauvreté, soit 1 581 euros pour une personne seule avec un enfant de moins de 14 ans. Une proportion en baisse par rapport à l’année précédente (32,3 %). « L’alarme est lancée sur la précarité des familles monoparentales depuis des années, mais depuis, qu’a-t-on fait ? », s’interroge Colombe Brossel, sénatrice socialiste de Paris. « Nous avons salué la promesse d’Emmanuel Macron de repousser de 6 à 12 ans la limite d’âge pour que les enfants puissent obtenir une aide à la garde d’enfants, mais sa mise en œuvre pour 2025 est arrivée trop tard et entre-temps, il y a eu la dissolution, ce qui met cette réforme en suspens », regrette la sénatrice qui propose également de retravailler le mode de calcul des pensions alimentaires. « Ce barème est actuellement de 190 euros par mois par enfant, alors que des études montrent que le coût réel de l’éducation d’un enfant tourne autour de 650 euros par mois. »
Augmenter les salaires
Parmi les solutions pour mieux lutter contre la pauvreté, l’augmentation des salaires semble inévitable pour la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly. « Ces revalorisations sont nécessaires dans le secteur privé comme dans le secteur public. Un fonctionnaire de catégorie C est embauché avec un salaire à peine supérieur au SMIC actuellement. Il faut aussi augmenter les aides et les bourses pour tous les étudiants en situation précaire, et mieux accompagner les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, qui dès 19 ans, peuvent se retrouver sans famille d’accueil, à la rue, car le RSA n’est versé qu’à partir de 25 ans. »
Versement automatique de l’aide sociale
La lutte contre le non-recours aux aides sociales est également une piste d’amélioration. En septembre dernier, le gouvernement assurait que 34 % des personnes éligibles au RSA n’y avaient pas recours, et 39 % à la prime d’activité. Dans l’optique de mettre en œuvre la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de versement automatique des aides sociales, cinq départements vont expérimenter le versement automatique du RSA et de la prime d’activité aux personnes concernées. Un test prévu à l’automne prochain.