Cette photo est une image historique, en noir et blanc, qui évoque le souvenir du Paris occupé pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle représente trois soldats allemands debout devant un plan du métro, à l’entrée de la station Richelieu-Drouot. Deux d’entre eux tournent le dos à l’objectif. Le troisième, un officier, fait face au photographe et lui jette un regard étonné. A-t-il senti sa présence derrière eux ? S’apprête-t-il à le poursuivre, à l’arrêter avant qu’il ne se fonde dans la foule des Grands Boulevards ? Pour répondre à ces questions, il est important de comprendre comment cette photo, sans lien avec la propagande allemande ou la presse collaborationniste, est parvenue jusqu’à nous.
Comme expliqué dans la première partie de cette série, tout a commencé avec un vieil album trouvé en 2020 dans une brocante du sud de la France par Stéphanie Colaux, une passionnée de photographie. L’album contient un trésor d’historien : 377 photos prises clandestinement à Paris, sa proche banlieue et Vernon, en Normandie, pendant l’Occupation, une époque où prendre des photos aussi osées aurait pu signifier la prison ou la mort pour un Français.
Bien que beaucoup d’entre elles soient datées et légendées au dos, leur auteur est inconnu. La personne qui a réalisé l’album n’a pas non plus été identifiée. La seule information fournie est une carte manuscrite indiquant que l’album a été obtenu auprès d’un « réseau de résistance ». Les photos ont été attribuées à un « promeneur parisien » prêt à braver tous les dangers pour capturer des preuves de la « botte nazie » sur la capitale.
La photo, prise à la gare Richelieu-Drouot, ne porte ni date ni légende, mais un simple chiffre, « 7 », inscrit au dos. Et pourtant, c’est cette photo qui nous a fourni un indice inattendu. Une recherche sur Internet a révélé qu’une image identique, également numérotée « 7 », existe au Musée de la Résistance nationale (MRN) de Champigny-sur-Marne, à l’est de Paris. Il y a cependant une différence essentielle avec la photo conservée au musée : le dos de celle-ci porte une légende – quelques lignes en lettres capitales – et une date précise. On peut y lire : « M. Fritz n’a pas l’air content d’être photographié. Regardez son visage amical… Vue prise le 14 juillet 1940, 14h15. »
Plusieurs autres photographies, également conservées au MRN, semblent similaires par leur style et leur contenu à celles de l’album. Elles sont bien composées et pourraient être l’œuvre d’un professionnel ou d’un amateur averti. Elles sont également accompagnées de commentaires sarcastiques. Il semble que les deux ensembles se complètent pour former un ensemble d’une richesse étonnante.
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