Yvan Gastaut est historien, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Côte d’Azur et commissaire de l’exposition “L’Olympisme, une histoire du monde” au Palais de la Porte-Dorée à Paris, du 26 avril au 8 septembre.
Au-delà de la beauté de Paris, les cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques ont mis en lumière la diversité de la société française. Pensez-vous que cette vision, avec toutes ses composantes (apports des immigrés, diversité des genres et des corps, etc.), puisse être gravée dans notre mémoire collective ?
Depuis que l’on sait que Paris accueillera ces deux événements sportifs, une attention particulière est portée aux cérémonies d’ouverture et de clôture, des événements qui risquent de marquer l’histoire de France. S’il y a une chose à retenir de cette dimension patrimoniale nationale, c’est l’accent mis sur la visibilité de l’invisible. Celle-ci restera sans doute gravée dans les mémoires, qu’elles soient universelles ou nationales, mais aussi dans celles des individus et des familles. En réaffirmant qu’une société est le résultat de ses composantes diverses et variées, la France a, comme souvent au cours de son histoire, assumé le rôle de phare pour de nouvelles évolutions sociétales.
La chanteuse Aya Nakamura dansant avec la Garde républicaine, la cycliste paralympique Marie Patouillet dédiant sa victoire à son épouse, le multi-médaillé Léon Marchand : quels sont les moments qui resteront longtemps gravés dans vos mémoires ?
Ce qui reste souvent, ce sont les réactions, en France et à l’étranger, à l’image symbolique proposée. Il y a fort à parier qu’Aya Nakamura dansant avec la Garde républicaine restera dans les mémoires, car c’est une forme d’autodérision, une manière de casser les codes typiquement français, mais qui véhicule aussi un message très fort. Il en va de même pour la mise en scène des corps des personnes handicapées pour la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques. Encore une fois, sans être naïf ou trop optimiste, ce ne sont que des impulsions, des modes, mais à mon avis, elles sont là pour durer. Le sport est le seul domaine capable de proposer cela. Bien sûr, les expériences individuelles des sportifs sont aussi susceptibles de nous accompagner longtemps.
Mais le souvenir de cette diversité ne risque-t-il pas d’être éphémère ? Que reste-t-il du « black-blanc-beur » de 1998 ? [Black-white-Arab] L’équipe de France de football, à part sa victoire en Coupe du Monde ?
Il faut accepter que le sport ne puisse prétendre à une fonction sociale effective. Pourtant, cette dimension patrimoniale joue un rôle en termes de perception et de symbolique. La Coupe du monde de 1998 reste une histoire importante pour la France, mais de quoi se souvient-on ? Même si sa symbolique n’a eu que peu ou pas d’effet sur la société, l’événement sportif est resté dans les mémoires et a eu un impact sans doute difficile à évaluer. Pourtant, si l’on demande aux Français ce qu’ils retiennent de la fin du siècle dernier, la réponse est souvent l’élection de François Mitterrand, en mai 1981, et la victoire des Bleus en 1998.
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