Peu à peu, l’Afghanistan disparaît de l’actualité. Depuis la chute de Kaboul aux mains des talibans le 15 août 2021, les procédures d’obtention de visa pour la presse étrangère sont devenues drastiques d’année en année. Désormais, tous les journalistes qui envisagent de se rendre en Afghanistan sont tenus de fournir aux autorités afghanes une liste détaillée des sujets qu’ils souhaitent traiter durant leur séjour, avant d’obtenir (ou non) l’accord des autorités. Rares sont ceux qui y parviennent.
Le photographe iranien Hashem Shakeri a néanmoins pu effectuer plusieurs voyages jusqu’en 2023. Il a passé des heures avec chacun des Afghans qu’il a photographiés, prenant le temps de les écouter attentivement et de documenter leurs histoires. La langue persane parlée en Iran, proche du dari parlé en grande partie par les Afghans, et la proximité culturelle entre ces deux pays voisins ont facilité sa tâche. « De plus, en Iran, nous vivons sous le joug d’un gouvernement rétrograde. C’est désormais la même chose pour les Afghans », explique le photographe à M de Téhéran, où il vit.
Ses images, prises jusque dans les recoins les plus reculés de l’Afghanistan, dressent le portrait d’un peuple privé d’espoir, parfois poussé à l’exil en dernier recours, et encore traumatisé, directement ou indirectement, par les blessures violentes de décennies de guerre. Ce long et précieux travail photographique, intitulé Regarder dans l’abîmefait l’objet d’une exposition dans le cadre du Bristol Photo Festival en Angleterre.
« Il n’y a plus aucune lueur d’espoir »
Parmi les personnes qu’il a rencontrées, une étudiante qui préparait l’examen d’entrée à l’université lorsque les talibans sont arrivés au pouvoir. Incapable de réaliser son rêve, elle a choisi, malgré les risques, d’enseigner dans des écoles clandestines pour filles, toute éducation leur étant interdite après 12 ans. Il y a moins d’un an, elle a décroché une bourse pour étudier au Bangladesh, où elle s’est désormais installée. Contactée par Shakeri, la jeune femme explique ainsi sa décision : « J’ai eu beau essayer de rester en Afghanistan… il n’y avait plus aucune lueur d’espoir. »
Une autre Afghane, âgée de 21 ans, étudiait le journalisme à l’université de Kaboul lorsque les talibans ont repris le pouvoir. Avec d’autres femmes, elle a protesté contre les nouvelles lois répressives et, comme des dizaines d’autres militantes, a été arrêtée. Après avoir passé plus de 40 jours derrière les barreaux, elle s’est exilée au Pakistan, où elle poursuit ses activités en faveur de l’émancipation des femmes.
La terreur et le désespoir instillés par les talibans touchent aussi les hommes, notamment au sein de la minorité chiite hazara. C’est le cas d’un jeune garçon de 18 ans. Né après le premier règne des talibans (1996-2001), cet Afghan n’avait entendu parler que des exactions infligées par les fondamentalistes sunnites aux chiites.
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