Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de Les nouvellesÉric Grenier, vous invite à lire (ou relire) dans sa newsletter Miroir l’un des dossiers les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez replonger au cœur de certains sujets du passé, avec le regard d’aujourd’hui.
Il suffisait de moins d’une aiguille de l’Everest il y a un siècle pour faire trembler un amateur de ski. Une pente des plaines d’Abraham ou la pente de glissade du lac aux Castors suffisaient à remplir d’adrénaline les courageux pratiquants de cette activité venue des pays nordiques. Au fil du temps, l’amélioration de l’équipement – des planches rudimentaires plus rigides qu’un deux par quatre aux merveilles d’ingénierie – et l’amélioration de l’entretien et de l’aménagement des pistes – qui ressemblent de plus en plus à des allées de centres commerciaux – ont rendu une piste autrefois réservée aux casse-cous accessible aujourd’hui à presque toute personne capable de se tenir debout dans ses bottes.
Ces avancées technologiques ont en quelque sorte rendu les montagnes plus petites, qui au Québec souffraient déjà un peu en termes de hauteur. Ainsi, depuis une décennie, les aventuriers du dimanche en mal d’adrénaline sont constamment à la recherche de nouvelles pentes encore sauvages, non tendues comme une corde par les bulldozers et autres engins lourds, de sommets accessibles uniquement grâce à l’huile de mollet de celui qui les atteint. Certains appellent cela la arrière-paysD’autres parlent de randonnée alpine, et la Fédération québécoise d’alpinisme et d’escalade l’appelle ski de montagne. Quoi qu’il en soit, le développement de l’activité s’accélère à la même vitesse qu’une Justine Dufour-Lapointe s’élançant du haut d’une corniche.
Bien avant cette mode, il y a 30 ans, le grand écrivain et journaliste Georges-Hébert Germain avait goûté à la randonnée alpine dans certains des coins les plus reculés — et spectaculaires — des Rocheuses, les Purcells. Il a rédigé ce reportage publié par Les nouvelles à l’hiver 1994.
L’auteur fut l’un des meilleurs de son temps à raconter l’histoire du territoire. À mettre en mots ce que ses yeux voyaient. À quoi ressemblaient les Purcells ? « Sur les pentes sud et dans les vallées exposées au soleil et abritées des vents, la neige avait commencé à tomber, mais le ciel était rigoureusement immuable et très pur, tout bleu, jour et nuit, sauf bien sûr à l’aube et au crépuscule qui donnaient généreusement aux ocres, fuchsias, émeraude et saphir. »
Georges-Hébert Germain a toujours aimé raconter des histoires d’aventures. Mais était-il lui-même un aventurier ? Pas à skis, du moins. Les 150 mètres du mont Habitant, à peine assez raides pour glisser en traîneau, le satisfaisaient pleinement, avouait-il dans son rapport. « J’étais donc celui qu’on attendait, qui était paralysé par la peur plusieurs fois par jour, qui hésitait souvent avant de se lancer dans des pentes trop raides, et qui un jour, le troisième, devant le Porky Peak qui nous offrait sa pente très lisse de 2 000 mètres, fit demi-tour et revint, penaud, au chalet. […] »
Ce fut là son unique parenthèse dans ce pays de silence. Durant le reste du voyage, sa tête s’emplit d’expériences grisantes dignes de rites de passage. « Jamais, en huit jours, nous n’avons repris le même chemin ; jamais, sauf aux abords immédiats du chalet, nous n’avons emprunté des sentiers battus, ni rencontré âme qui vive. Et, je le jure, nous n’avons jeté dans cet immense terrain de jeu ni la moindre allumette non brûlée, ni l’écorce, ni la croûte de pain, ni le trognon de pomme. Nous y avons néanmoins laissé des souvenirs impérissables. »
Qu’il nous a laissé en héritage cette magnifique histoire.
Bonne lecture !
Eric Grenier, Rédacteur en chef adjoint
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