Ce texte rassemble les capsules contenues dans notre newsletter politique, publiée le jeudi à 17h. Vous y retrouverez un regard en quatre points sur l’actualité politique de la semaine.
Le départ de Pablo Rodriguez du gouvernement Trudeau semblait écrit dans le ciel depuis quelques semaines. Il n’en demeure pas moins un coup dur pour Justin Trudeau, qui les accumule comme s’il en était encore au premier round de son match de boxe contre le sénateur Patrick Brazeau, il y a plusieurs années. Pour mémoire, le futur chef libéral avait essuyé une avalanche de coups dans ce combat amateur en lever de rideau, avant de se ressaisir et d’envoyer son adversaire conservateur dans les câbles.
Dans la mythologie trudeauiste, cet événement est un moment marquant : l’opprimé survit aux attaques d’un adversaire apparemment plus fort et triomphe grâce à sa résilience et à son sens tactique. On verra si ce scénario est toujours d’actualité à la fin de la prochaine campagne électorale, mais les parieurs de Las Vegas ne voudront probablement pas miser trop d’argent dessus. Le dégel dans LaSalle–Émard–Verdun lundi et la défection de Pablo Rodriguez – un des premiers partisans du premier ministre (il était présent au lancement de la campagne à la direction de Justin Trudeau), un membre clé du cabinet et un lieutenant politique du Québec – alimentent plutôt le scénario de type KO des libéraux.
Par contre, l’arrivée de Pablo Rodriguez dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) ajoutera du piquant à l’affaire. Personnage haut en couleur qui a tout fait sur la colline parlementaire, politicien de terrain (beaucoup plus que de contenu — il ne s’est jamais démarqué par sa connaissance approfondie de ses dossiers), organisateur reconnu, le nouveau candidat arrive avec une vaste expérience politique… qui n’est toutefois pas qu’un atout.
Le député Frédéric Beauchemin, qui vise lui aussi la chefferie, n’a pas manqué de souligner qu’il n’était pas d’accord avec ce que Pablo Rodriguez a vigoureusement défendu ces dernières années : le bilan du gouvernement en matière de gestion des finances publiques, les intrusions dans les champs de compétence du Québec, la vision économique des libéraux fédéraux… Denis Coderre, un autre candidat d’origine libérale fédérale, avait déjà prévenu « son copain Pablo » que « les libéraux provinciaux ne veulent pas être une filiale d’Ottawa », et affirmé que ce serait un « fardeau pour lui » de faire campagne provinciale avec ces squelettes dans son placard (François Legault est certainement d’accord). Comme son ancien chef en 2012, Pablo Rodriguez aurait intérêt à serrer les poings – et les dents – dans les prochaines semaines : ça risque d’être un peu douloureux au début…
Le nombre
73
Des 91 candidats en lice lundi pour l’élection partielle dans LaSalle–Émard–Verdun, 73 ont récolté moins de 25 votes… dont deux candidats qui n’en ont même pas récolté un seul. Il s’agit évidemment de situations inédites, issues de la campagne menée par des militants qui dénoncent le mode de scrutin actuel en inondant les bulletins de vote des élections partielles de candidats légaux, mais néanmoins bidons. C’est pourquoi les 31 711 électeurs qui se sont déplacés lundi ont dû déplier un bulletin de vote de près d’un mètre de long, et le décompte des votes s’est terminé vers 2 heures du matin. On a hâte de voir ce que le directeur général des élections dira de l’utilité de ce stratagème dans le rapport postélectoral qu’il doit remettre au Parlement.
Le baromêtre
👍 À la hausse
Le refus du Bloc québécois de voter en faveur de la motion de censure contre le gouvernement qui sera mise aux voix mercredi prochain est certes stratégique… mais il repose aussi sur une question de principe : l’idée que le parti a été élu pour défendre les intérêts du Québec, et non pour satisfaire les désirs électoraux des conservateurs (ou de François Legault…). « C’est une motion qui ne contient absolument rien, a rapidement noté le chef Yves-François Blanchet. Elle dit : “Vous voulez remplacer Justin Trudeau par Pierre Poilievre ?” La réponse est non. » En fait, la motion conservatrice stipule que « la Chambre n’a aucune confiance envers le premier ministre et le gouvernement », mais on comprend le sens de l’analyse du chef bloquiste : c’est exactement ce que prédisent les sondages si le pays se retrouve plongé dans une élection. Et sous un gouvernement conservateur majoritaire, le rapport de force du Bloc québécois (même avec quelques députés de plus qu’actuellement) risque d’être symbolique. Yves-François Blanchet soutient que l’appui du Bloc au gouvernement ne signifie pas qu’il lui fait confiance, mais plutôt qu’il a confiance en sa capacité à faire des gains d’ici les élections. Pari risqué ? Peut-être… mais peut-être moins que l’autre option !
👎 Vers le bas
On aimerait savoir quel modèle de boussole François Legault utilise et vérifier s’il y a eu un rappel du fabricant. Sa déclaration de jeudi matin pour exhorter le Bloc québécois à faire tomber le gouvernement Trudeau – parce que ce dernier ne répond pas assez rapidement à sa demande de réduire de 50 % le nombre d’immigrants temporaires au Québec – laisse dubitatif. Il y a bien sûr une sorte de piège pour le chef du Parti québécois, sommé par le premier ministre de « demander à son camarade du Bloc de reculer » au nom de la défense des intérêts des Québécois. Mais il y a aussi un constat de son incapacité assez flagrante à obtenir ce qu’il veut d’Ottawa en matière d’immigration (malgré le mandat fort obtenu en 2022). Et Paul St-Pierre Plamondon a clairement mis en évidence les limites du raisonnement général : François Legault veut la chute du gouvernement Trudeau pour pouvoir avoir comme prochain premier ministre quelqu’un « qui ne s’est jamais engagé, de quelque façon que ce soit, à donner des pouvoirs au Québec en matière d’immigration » ? Qui soutient l’industrie pétrolière ? Qui contestera la loi 21 ? François Legault s’était déjà brûlé les doigts en appelant indirectement à l’élection d’Erin O’Toole en 2021 : son aversion pour Justin Trudeau le pousse maintenant à emprunter le même chemin incertain — avec une boussole déroutante à la main.