Autour Le Lion de Florence – un tableau de Nicolas André Monsiau datant de 1801 – un groupe d’hommes s’affairent, fixant soigneusement la toile sur un mur du tristement célèbre musée d’Orsay. À leur vue, on se demande si ces personnages se sont échappés du tableau : compte tenu de leurs gestes laborieux et de leurs poses théâtrales, le peintre aurait très bien pu les intégrer dans sa composition. Mais c’est le regard du photographe Nicolas Krief qui les a attirés au moment précis où se tissait un dialogue invisible et miraculeux entre les vaillants cintres et l’héroïne du tableau – une mère levant les bras au ciel et semblant leur crier : « S’il vous plaît, soyez prudent!”
Depuis plus de 13 ans, le photographe français, qui travaille régulièrement pour la presse, a parcouru les plus grands musées de France et d’Europe immortalisant les coulisses des plus grandes expositions, du Louvre au Muséum d’histoire naturelle, en passant par le Grand Palais. . Ce qui a commencé comme une commission pour Le mondeà l’occasion de la rétrospective Claude Monet au Grand Palais en 2010, est devenu un projet personnel au long cours et un livre publié cet automne aux Editions Gallimard, Musée. Les images sont accompagnées d’un texte éclairant rédigé par l’historien Stéphane Guégan, commissaire de nombreuses grandes expositions, qui parle de son métier.
C’est un projet auquel Krief a appliqué sa méthode habituelle : pas de mise en scène, pas d’éclairage d’accentuation et pas de recadrage. “Je travaille toujours comme un photographe de rue”, disait cet admirateur du photographe Larry Fink. “Je repère une situation, je me positionne et j’attends, parfois longtemps ! Ma qualité fait que les gens m’oublient.”
Ses images, pleines de clins d’œil facétieux, montrent les allers-retours entre l’art et la vie, cultivant avec humour la confusion entre ce que montrent les œuvres et ce qui se passe autour d’elles. Des corps de marbre caressés sensuellement par des mains de chair. Un jeune homme aux cheveux longs et à l’allure de mousquetaire surgissant devant un exemplaire du Caravage, ou une jeune fille vêtue du même vert que celui de Niki de Saint-Phalle. Mamie.
Distance ludique
Le photographe a laissé pénétrer la vie et la fiction dans ses clichés de ces œuvres, privées ici de leur piédestal, et donc de leur superbe habituelle. Enfermé dans une vitrine nettoyée au savon, un buste de jeune femme devient une étrange Méduse surmontée d’un serpent mousse, et un cadre noir vide sur fond noir à côté d’un peintre tout blanc suggère une installation minimaliste contemporaine.
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