Karl Bélanger a travaillé pendant près de 20 ans sur la Colline parlementaire à Ottawa, notamment comme attaché de presse principal de Jack Layton et secrétaire principal de Thomas Mulcair. Il a ensuite été directeur national du NPD avant de mettre fin à sa carrière politique à l’automne 2016. En plus d’agir comme commentateur et analyste politique à la télévision, à la radio et sur le Web, Karl est président de Traxxion Strategies.
Parmi les choses qui ont fuité suite au dîner de travail entre Donald Trump et Justin Trudeau à Mar-a-Lago, l’idée que le Canada devienne le 51e L’état des Etats-Unis fait couler beaucoup d’encre. Et même si c’est une blague, ce n’est pas parce qu’on rigole que c’est drôle…
Le président élu évoque cette solution pour le Canada, une façon pour ce dernier d’éviter de faire face aux tarifs douaniers de 25 % qu’il dit vouloir imposer sur tout ce qui arrive aux États-Unis en provenance du Canada. Donald Trump a même suggéré que Justin Trudeau devienne gouverneur de ce 51e État. Était-il sérieux ? «Le président racontait des blagues», a déclaré le ministre Dominic LeBlanc, présent à ce dîner. Le président nous taquinait. Ce n’était évidemment pas un commentaire sérieux sur ce sujet. »
Une simple taquinerie ? Sans aucun doute. Mais avec Donald Trump, il est encore difficile de séparer la vérité du fantasme. D’autant qu’il a rapidement ajouté une fausse photo de lui et un drapeau canadien surplombant les « Rocheuses » (ce serait plutôt les Alpes suisses !) avec la mention « Oh Canada ». “Il plaisante clairement”, a déclaré le ministre de la Défense, Bill Blair.
Juste une blague ? Si tel est le cas, cela n’empêche pas les commentateurs pro-républicains d’en parler, notamment sur le réseau Fox News. Donald Trump lui-même a publiquement évoqué l’idée d’une adhésion du Canada et du Mexique aux États-Unis dimanche dernier lors d’une interview à l’émission très sérieuse et influente de NBC. Rencontrez la presse.
Juste une blague ? Peut-être, mais voilà que Donald Trump en rajoute une couche sur son réseau Truth Social : « J’ai eu le plaisir de dîner l’autre soir avec le gouverneur Justin Trudeau du grand État du Canada. J’ai hâte de revoir bientôt le Gouverneur afin que nous puissions poursuivre nos discussions approfondies sur les tarifs douaniers et le commerce, dont les résultats seront vraiment spectaculaires pour tous ! »
Une simple blague ? Un sondage Léger dévoilé mardi révèle que 13 % des Canadiens souhaiteraient que le Canada devienne un État américain. Un homme sur cinq (19%) partage cette opinion, tandis que le soutien des femmes n’est que de 7%. L’Alberta est la province la plus favorable (19 %), tandis que les provinces de l’Atlantique y sont opposées à 90 %. Le soutien varie également selon l’affiliation politique. Les Québécois y sont favorables dans une proportion de 13 %. Un électeur conservateur sur cinq (21 %) approuverait cette idée, comparativement à 12 % des électeurs bloquistes, 10 % des libéraux et à peine 6 % des électeurs néo-démocrates. En contrepartie, le nombre d’Américains prêts à accueillir le Canada dans l’Union était de 38 % en 2002, toujours selon Léger.
Une simple bouffonnerie ? Une chose est sûre, les formules pour modifier les Constitutions du Canada et des États-Unis sont complexes et rendent un tel scénario irréalisable. Nous avons joué dans des films moins ambitieux au Canada, où tout amendement majeur à la Constitution nécessite l’approbation de la Chambre des communes, du Sénat et de toutes les législatures provinciales. Aux États-Unis, un amendement constitutionnel doit recevoir l’approbation des deux tiers des membres du Sénat ainsi que des deux tiers de la Chambre des représentants, suivi d’une ratification par au moins les trois quarts des législatures des États.
Une simple moquerie ? Pour que le Canada devienne un État américain, il faudrait une volonté claire et un consensus des deux côtés de la frontière. Du jour au lendemain, le Canada deviendrait le plus grand État américain et se retrouverait au deuxième rang en termes de population après la Californie. Les conséquences économiques, sociologiques et culturelles seraient immenses. Sans parler de l’effet sur la politique américaine : l’arrivée de 40 millions de Canadiens entraînerait un glissement vers la gauche, les Canadiens étant généralement plus à gauche que les Américains sur les questions d’intervention de l’État – et sur des questions sociales allant de l’avortement au contrôle des armes à feu. à l’environnement. Si le Canada devenait le 51ee Il est évident que la grande majorité des Canadiens voteraient pour les Démocrates. Un président républicain ne peut pas accepter cela. Pour contourner ces problèmes, Donald Trump parle déjà de diviser le Canada en deux États, un républicain et un démocrate. Imaginez l’exercice de charcutage électoral (un terme qui décrit un redécoupage arbitraire et partisan des circonscriptions électorales) !
Une simple blague ? A noter qu’il existe dans les archives du Pentagone le “Red War Plan”, un document décrivant le déroulement d’une invasion du Canada, qui comprend une opération de capture du port d’Halifax et désigne trois fronts d’invasion, du Vermont, vers Montréal et le reste du Québec. Il comprend également des détails pour sécuriser les centrales hydroélectriques, une attaque du Dakota du Nord pour prendre possession de Winnipeg (la plaque tournante du transport ferroviaire du pays), ainsi qu’une invasion de l’Ontario depuis le Midwest pour s’emparer de ressources stratégiques, notamment des mines de nickel. Imaginé entre les deux guerres, ce plan a été déclassifié en 1974 et est visiblement obsolète. Impensable que Donald Trump demande aux Joint Chiefs une mise à jour du plan ? Qu’est-ce qu’on plaisante !