LLe 8 avril 2024, vers 15h25, l’ombre de la Lune planait sur Québec. Partout où le phénomène était visible, y compris à Montréal, des « oh » étonnés éclataient dans les parcs où les foules s’étaient rassemblées pour l’admirer. Une éclipse totale mémorable, que beaucoup ont qualifiée de moment collectif « mystico-scientifique », avec une météo qui a rendu jaloux le sud des États-Unis et le Mexique.
Il y avait peu de monde au bord du lac Aylmer, près de Disraeli, dans les Appalaches. C’est ici que l’astronome Julie Bolduc-Duval a préféré vivre ce moment, avec son amoureux et ses trois adolescents. « J’espérais ne pas pleurer pendant l’éclipse, pour ne pas avoir les yeux larmoyants et rater le spectacle. J’ai réussi. » C’est juste après, alors qu’elle serrait sa famille dans ses bras, que la mère a cédé.
Des larmes provoquées par la beauté du phénomène astronomique, mais surtout par le point culminant de l’ultramarathon de trois ans que venait de courir l’éducateur scientifique pour préparer les jeunes du Québec — et les moins jeunes.
Lorsque les Éditions MultiMondes m’ont demandé d’écrire un livre sur l’éclipse destiné au grand public (Eclipse : Quand le Soleil fait son cirque, février 2024), il était naturel pour moi d’inviter Julie à le co-écrire. J’ai ainsi pu être témoin de ses efforts continus pendant près d’un an.
Mais pour l’astronome, l’aventure de l’éclipse a commencé bien plus tôt. Le 8 avril 2021, soit exactement trois ans avant le spectacle, elle et plusieurs autres astronomes et éducateurs ont tenu la première réunion du comité Éclipse Québec. Provenant du Centre des sciences de Montréal, de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx), du Planétarium de Montréal, de l’ASTROLab du Parc national du Mont-Mégantic, du Cosmodôme de Laval et d’ailleurs, la douzaine de membres du comité s’étaient donné pour mission de générer engouement des Québécois pour cet événement que plusieurs ne vivraient qu’une fois dans leur vie.
« Julie est une actrice incontournable », souligne Frédérique Baron, directrice adjointe de l’iREx. Elle est une source d’inspiration, un modèle pour une génération d’astronomes communicateurs scientifiques ici et ailleurs au Canada. Et pendant les années précédant l’éclipse, elle a gardé tout le monde motivé grâce à son enthousiasme et son implication dans l’initiative. »
C’est en 2017 à Bowling Green, au Kentucky, que Julie Bolduc-Duval a vécu sa première éclipse totale. « L’université locale avait ouvert son stade de 20 000 places pour accueillir les supporters, mais ils étaient à peine 1 000 », se souvient-elle. Au milieu de la « Ceinture biblique », de nombreux parents et écoles ont préféré cloîtrer leurs enfants, par crainte de la fin du monde. «Je trouvais tellement triste que des enfants soient privés d’un spectacle aussi beau et rare. Je me suis dit qu’au Québec en 2024, les choses ne se passeraient pas comme ça. »
À la découverte de l’Univers, l’organisme d’enseignement de l’astronomie dont elle est la directrice générale, a tout mis en œuvre pour préparer les jeunes à ce phénomène céleste unique. « Nous avons conçu et proposé du matériel pédagogique gratuit pour les écoles primaires et secondaires ; nous avons réalisé des capsules vidéo de vulgarisation ; nous avons formé plusieurs milliers d’enseignants et d’éducateurs en garderie afin qu’ils puissent expliquer le phénomène et les règles de sécurité aux enfants ; nous avons touché plusieurs centaines de milliers de jeunes, virtuellement et en personne… », énumère-t-elle. L’organisation a même réussi à financer et distribuer 300 000 paires de lunettes de protection dans des centaines d’écoles.
Mais sur le terrain, deux mois avant l’éclipse, les choses ne se sont pas déroulées comme Julie Bolduc-Duval l’aurait souhaité… Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a tardé à émettre des directives claires pour les écoles, malgré les efforts déployés par Éclipse Québec. depuis plus de deux ans pour contacter son ministère. Les administrateurs scolaires ont même décalé une journée pédagogique pour garantir que les élèves resteraient chez eux le jour J.
Lors de ce sprint final, Julie Bolduc-Duval était partout : réponses personnalisées aux enseignants inquiets qui la contactaient, webinaires, entrevues radio, conférences, salons du livre… De nombreux jeunes ont vu son visage.
Résultat : si certains enfants étaient tristement confinés dans leur classe rideaux fermés, d’autres ont pu profiter de ce moment grandiose, en compagnie de leur professeur, de leur éducateur ou de leurs parents.
Et l’intéressé n’a peut-être pas dit son dernier mot. En août 2027, c’est le nord de l’Afrique, du Maroc à l’Egypte, qui sera béni par une grande éclipse, et l’idée d’y réaliser un « transfert d’expertise » lui trotte dans la tête. la tête. « Ils pourraient faire encore mieux que nous. »
L’article a été corrigé le 29 novembre pour indiquer que c’est À la recherche de l’univers et non Éclipse Québec qui a financé et distribué les 300 000 paires de lunettes.