Le président vénézuélien sortant, Nicolas Maduro, avec le soutien de l’armée et d’une administration loyaliste, a prêté serment vendredi 10 janvier pour un troisième mandat de six ans au cours d’une cérémonie qualifiée de « Coup d’État » par l’opposition, qui revendique la victoire à l’élection présidentielle de juillet.
« Je jure que ce nouveau mandat présidentiel sera celui de la paix, de la prospérité, de l’égalité et de la nouvelle démocratie. Je jure par l’histoire, je jure par ma vie. Je tiendrai parole ! »il l’a dit au président de l’Assemblée, Jorge Rodriguez, qui a ensuite déclaré : « Vous êtes investi en tant que président constitutionnel. »
M. Maduro, qui a décrit son investiture comme « victoire de la démocratie », arrivé au palais législatif fédéral vers 10h30 heure locale (15h30 heure de Paris), passant parmi des militaires en tenue de gala avant d’entrer dans le bâtiment, où il a longuement serré la main du président cubain Miguel Diaz-Canel, un des rares chefs d’État présents, signe de son isolement international.
Le quartier de l’Assemblée, au centre de Caracas, a été bouclé par la police, tandis que la télévision publique diffusait des images de centaines de partisans de M. Maduro défilant dans les rues pour célébrer son investiture. Le gouvernement a fermé vendredi à l’aube la frontière avec la Colombie, invoquant un « complot international visant à troubler la paix des Vénézuéliens ». Cette fermeture devrait durer jusqu’à lundi.
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a déclaré dans un communiqué que Nicolas Maduro n’avait pas « aucune légitimité démocratique ». « L’Union européenne se tient aux côtés de ceux qui défendent les valeurs démocratiques au Venezuela »a-t-elle ajouté dans un communiqué au nom des 27.
Les États-Unis ont dénoncé “simulacre” et a imposé de nouvelles sanctions contre Caracas, notamment en augmentant la récompense à 25 millions de dollars pour toute information permettant de traduire le dirigeant vénézuélien en justice.
Manifestations et grande confusion
« Un coup d’État a été accompli »a réagi de son côté la principale coalition d’opposition, Plataforma Unitaria, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux. La coalition évoque “l’usurpation du pouvoir par Nicolas Maduro […], soutenu par la force brute et ignorant la souveraineté populaire exprimée avec force le 28 juillet ». “C’est Edmundo Gonzalez Urrutia”le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, “qui doit être investi aujourd’hui ou demain […] La volonté du peuple sera respectée »conclut le texte.
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La cérémonie d’investiture intervient au lendemain des manifestations de l’opposition qui contestent la victoire du chef de l’Etat socialiste de 62 ans aux élections du 28 juillet, dont la proclamation a été suivie de troubles meurtriers et de milliers d’arrestations.
Le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, affirme avoir remporté cette élection et a répété jeudi, depuis la République dominicaine, à une heure d’avion de Caracas, qu’il était le « président élu ». Sans faire plier celui qui a succédé à Hugo Chavez en 2013 et qui dirige depuis d’une main de fer le Venezuela.
La manifestation de l’opposition jeudi a rassemblé des milliers de personnes criant « Nous n’avons pas peur ! » ou brandissaient des pancartes indiquant « La liberté ne peut pas être mendiée, elle doit être conquise ». Cela a créé une certaine confusion en fin de compte, lorsque l’opposition a annoncé le “violent” arrestation de sa dirigeante, Maria Corina Machado.
Quelques dizaines de minutes plus tard, l’équipe adverse annonçait sa libération : « En sortant du rassemblement, Maria Corina Machado (…) a été emmené de force. Lors de son enlèvement, elle a été forcée d’enregistrer plusieurs vidéos et a ensuite été relâchée. » Le gouvernement a démenti cette version des faits, le procureur général Tarek William Saab dénonçant « une opération psychologique pour déclencher la violence au Venezuela » et rappelant que Mmoi Machado a fait l’objet d’une enquête pénale.
La leader de l’opposition vivait cachée depuis l’élection présidentielle, à laquelle elle n’a pas pu se présenter après avoir été déclarée inéligible. Elle a soutenu la candidature de M. Gonzalez Urrutia, parti en exil en septembre.
Soutien de l’armée
Au lendemain de cette brève arrestation, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, déplorait « un nouvel acte inacceptable de répression du régime » de M. Maduro, « dont nous ne reconnaissons pas la victoire électorale proclamée ». « Les aspirations légitimes du peuple vénézuélien à la liberté et à la démocratie doivent enfin devenir réalité »continua-t-elle.
Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé M. Maduro vainqueur avec près de 52% des voix mais sans publier le procès-verbal, se disant victime d’un piratage informatique, une affirmation jugée peu crédible par de nombreux observateurs. L’annonce du CNE a provoqué des manifestations dans tout le pays, durement réprimées. Les troubles ont fait 28 morts, plus de 200 blessés et 2 400 personnes arrêtées. Une vague d’arrestations a également eu lieu dans les jours précédant l’investiture du chef de l’Etat.
Comme lors des manifestations de 2014, 2017 et 2019, qui ont fait plus de 200 morts, M. Maduro a pu compter sur le soutien de l’armée, pilier de son pouvoir, ainsi que sur une justice aux ordres. Il avait même activé un plan de sécurité nationale incluant toutes les forces de sécurité (armée, police, milices, paramilitaires) après s’être déclaré la cible de nouveaux complots.
Le président socialiste, qui avait promis lors de sa campagne électorale une amélioration de la situation économique, devra trouver des solutions pour retrouver la croissance, le Venezuela ayant enregistré une contraction de son PIB de 80% entre 2013 et 2023. Isolé sur le plan international, il devra Il lui sera difficile de lever les sanctions qu’il devra donc tenter de contourner pour exploiter ses immenses réserves pétrolières sans avoir à les brader à cause de l’embargo.
Le chef de l’Etat vénézuélien a également promis des révisions constitutionnelles qui incluraient des dispositions que de nombreuses ONG considèrent comme répressives et susceptibles d’affaiblir la démocratie.