Fatigue, équipes moins expérimentées, organisations bouleversées … Plusieurs études, dont une réalisée au Canada et publiées début mars, rapportent que les patients opérés à la fin de la semaine reconnaissent un risque plus élevé de décès, de complications ou de réadmission.
Un «effet de week-end» dans le succès des opérations chirurgicales? Cette question est le point de départ d’une étude publiée début mars dans JAMA Network Open, une série scientifique sérieuse. Dans cette publication, les chercheurs canadiens ont analysé les données de 429 691 patients adultes de l’Ontario (Canada), qui ont subi une chirurgie “actuelle” Entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2019.
Entre ceux qui ont été opérés avant le week-end, principalement vendredi, et ceux qui ont fonctionné juste après, lundi, il y a un écart notable dans le bon fonctionnement de la route de soins.
“Les résultats suggèrent que les patients traités avant le week-end sont confrontés à un risque accru de complications”, concluent les auteurs de cette étude.
Il y a une “augmentation statistiquement significative” des décès, des complications et des réadmissions. Un étrange “effet de week-end”, qui vient de s’inscrire dans le sillon d’autres articles, tels que ceux publiés dans des revues scientifiques BMJ ouvert en 2013 ou Soins médicaux En 2017.
“Différences modestes mais réelles”
Pouvons-nous supposer que ses conclusions sont également vraies en France? Experts demandés par BFMTV.com Acquiescent. “Cette étude canadienne est d’une bonne valeur. Elle met en évidence des différences certainement modestes (entre les personnes opérées avant le week-end et les autres, note), mais de vraies différences”, explique Hubert Johanet, secrétaire général de l’Académie nationale de chirurgie. “Ces résultats confirment d’autres études et ses conclusions s’appliquent à la France.”
L’observation est faite: l’exploitation de vendredi pourrait conduire, avec une probabilité relativement faible, aux complications. Il reste une question encore plus intéressante: pourquoi? Sur ce point, si les auteurs de l’étude posaient une observation, ils ne pouvaient pas générer de réponse claire.
“Dans l’ensemble, ce que nous pouvons dire, c’est que comme dans n’importe quel secteur, il est évident que la fin de la semaine et en particulier la fin du vendredi, ce sont les mêmes équipes, qui sont fatiguées, avec une semaine de salle d’opération dans les jambes”, émet Philippe Cuq, président de l’Union of Surgeons of France.
Un point pour mettre les choses en perspective. Le même chirurgien n’est pas un scalpel en main du lundi matin au vendredi soir. En réalité, plusieurs équipes de chirurgiens, d’anesthésistes, d’infirmières se relayèrent. Et ces professionnels rappellent qu’une partie de leur formation nécessite de pouvoir opérer au pied surélevé, à toutes les heures du jour et de la nuit, sans la qualité des soins. Avec bien sûr toutes les faiblesses humaines inextricables.
L’un des éléments proposés dans cette étude est l’expérience des chirurgiens opérant à la fin de la semaine: 14 ans de pratique en moyenne contre 17 pour ceux qui occupent le bloc à la fin de la semaine. Avec ce type de CV, pas assez pour parler des médecins juniors.
“Naturellement, les chirurgiens avec le plus d’ancienneté occupent les vacances plutôt le matin, au début de la semaine (…) vendredi, ce sont plutôt les jeunes qui arrivent, j’ai pu l’observer en opérant pendant 25 ans dans le Chu à Paris et en privé”, diagramme du membre de l’Académie chirurgicale.
“Nous verrons cela le lundi”: de petits retards et de gros problèmes
“Naturellement”, les chirurgiens ont tendance à éviter les interventions de programmation vendredi. Pour quoi? Parce que la main-d’œuvre présente le week-end est différente et que les méthodes de fonctionnement.
La semaine, en cas de problème, le chirurgien responsable peut être consulté. Samedi et dimanche, en cas de gros problème, nous nous tournons vers un chirurgien actuel ou un anesthésiologiste, pas nécessairement le chef de l’affaire. “Et s’il y a des décisions moins importantes, nous pouvons gouverner et dire: nous verrons cela lundi”, souligne Hubert Johanet.
Accumulés, ces petits retards dans la gestion peuvent entraîner des complications. “Si pour 98% des patients, il n’y a pas de problème, il y a 2% où avoir attendu peut être préjudiciable”, a-t-il déclaré.
Un autre biais émerge. Si les professionnels ont tendance à éviter les opérations à ces dates, ceux qui se retrouvent encore sur le billard sont donc ceux pour qui il n’est tout simplement pas possible d’attendre. Cas plus urgents et plus complexes.
“Je plaisante toujours, en août, la France est en vacances”, compare le chirurgien vasculaire Philippe Cuq. “Lorsque vous êtes opéré (ce mois-ci), ce n’est pas qu’il ne peut pas attendre. Vous pouvez également imaginer que vendredi est des choses auxquelles ne peut pas s’attendre.”
Beaucoup de “donc”, “peut-être” et assez peu de béton. Mais la simple observation d’un «effet de week-end» délétère nourrit toute réflexion constante sur les soins des patients. “Le problème n’est pas majeur. Mais vous devez vous demander pourquoi il y a cette différence et surtout, comment traiter les causes dans chaque établissement, dans chaque équipe”, conclut Hubert Johanet.