Lettre d’Istanbul

Dès que l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été annoncée le 19 mars, des panneaux et des slogans ont éclaté tout au long des manifestations. Une vague de dessins poétiques et satiriques a inondé les rues turques, contestant vigoureusement le régime actuel avec de l’art brut et des messages spontanés. Sur les campus universitaires, dans les écoles secondaires et dans les centres-villes, le même vent de colère souffle depuis un mois. Ils appellent à la libération du maire, le principal adversaire du président Recep Tayyip Erdogan (qui est au pouvoir depuis 22 ans), entremêlé avec des demandes démocratiques et populaires.
Écrits en marqueur ou crayon sur des morceaux de carton ou de tissu, les phrases ont grimpé dans l’air. Les mots bourdonnaient. Ils ont grondé. Ils sont entrés en collision avec l’humour et la subversion. C’était une manifestation métaphysique (“du chaos est né la star”). Critique philosophique (“Nous reconstruisons sagement ce que l’ignorance a détruit”). Revolt ontologique (“Le monde est le nôtre” – écrit en français).
Ici, un enseignant a tenu son panneau haut: “Désolé les enfants, pas de classe aujourd’hui, votre professeur résiste pour votre avenir.” Là, un étudiant plus amer a dénoncé les abus d’un régime qui risque de mettre fin à l’état de droit en Turquie: “Parfois, les choses qui nous détruisent se répètent.” Un autre, sous une épaisse moustache: “Erdogan, vous avez consommé nos vies.”
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