Battus en finale par l’Espagne vendredi, les joueurs de l’équipe de France masculine de football ont néanmoins réalisé un tournoi agréable, voire réussi.
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« La dernière fois que j’ai subi autant de refus, c’était au collège. »L’histoire retiendra que tout a commencé avec cette phrase amère de Thierry Henry, le 3 juin, jour où sa pré-liste de 25 joueurs pour Paris 2024 a été dévoilée. Deux mois et six jours après cette sortie médiatique, l’ancien buteur des Bleus et ses successeurs sont passés à un cheveu de monter sur l’Olympe. Si l’issue n’était pas complètement improbable, l’habituel sélectionneur des Espoirs a réussi un petit exploit.
En très peu de temps, et avec moins de moyens que prévu (sans Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et les jeunes internationaux éligibles qui avaient déjà disputé l’Euro cet été), il a guidé sa bande de gamins jusqu’à la deuxième place d’un podium olympique, décrochant la troisième médaille française de l’histoire dans les tournois de football (après l’or en 1984 et l’argent en 1900). Avant même de connaître la douleur de la défaite en prolongation contre l’Espagne (5-3), cette dernière vit l’aventure tricolore comme une réussite.
“Quoi qu’il arrive, ce sera un succès, quoi qu’il arrive, le drapeau sera hiss锓Il a insisté la veille en conférence de presse. Malgré les visages abattus de la plupart de ses joueurs au moment de recevoir leurs médailles, Henry n’a pas changé de ligne. « Nous ne sommes pas champions olympiques mais on ne peut rien dire à cette équipe qui s’est battue jusqu’au bout. J’ai encore du mal à m’en rendre compte, car cela vient à peine de se terminer, mais cela reste une belle histoire. »a-t-il réagi à chaud au micro de France Télévisions. Trois ans après l’échec complet de Tokyo et l’élimination dès le premier tour de l’équipe dirigée par André-Pierre Gignac, c’est un tout autre monde.
Le football ne se résume pas à des records. Ce sont les émotions suscitées par ce qui se passe sur le terrain qui rendent les grandes compétitions internationales si passionnantes. L’équipe de France olympique ne peut pas être mise en défaut dans ce domaine. En phase à élimination directe, pour ses trois derniers matches du tournoi, elle s’est simplement mise au diapason de Paris 2024 et de la ferveur populaire autour des athlètes français.
A Bordeaux, dans un stade bientôt orphelin des Girondins de Bordeaux, les Bleues ont pris une savoureuse revanche face à leurs meilleures ennemies argentines, dans une ambiance qu’on n’attendait pas aussi électrique. A Lyon, face à l’Egypte, elle a réussi à se sauver dans le temps additionnel après plus d’une heure de domination outrancière. Même en finale, elle a probablement joué l’un des matchs les plus fous du football français au XXIe siècle en rallumant la flamme de l’espoir alors qu’elle semblait perdue car menée 3-1 à 10 minutes de la fin du temps réglementaire.
La tournée des jeunes olympiens à travers la France s’est toujours déroulée à guichets fermés, de Marseille à Lyon, en passant par Nice et Bordeaux. Un public moins initié que celui qui vibre au rythme de la Ligue 1 a soit renoué avec le ballon rond, soit vécu ses premières émotions footballistiques. Les familles et les enfants étaient majoritaires dans les tribunes, les amateurs de sport ayant préféré se tourner vers d’autres sports, jugés “plus olympiques”, pour vivre l’expérience Paris 2024.
Le grand public a découvert de nouveaux visages, comme le funambule Michael Olise, et a pu s’identifier un peu plus à ces joueurs qui ne monopolisent pas autant l’attention médiatique que les stars de l’équipe A, à commencer par Kylian Mbappé. Dans sa communication, le groupe a semblé plus naturel et moins enfermé que celui de ses illustres aînés. L’attitude insouciante d’Enzo Millot en zone mixte après France-Argentine, presque fier d’avoir défié ses adversaires avant le combat pendant que son entraîneur le recadrait quelques mètres plus loin devant la caméra, a apporté une bouffée d’air frais.
Loin du contexte pesant de l’Euro, parasité par la tension liée aux élections législatives, une grande légèreté a accompagné les pas de Thierry Henry et de sa bande de “fou”d’après le surnom qu’il s’amusait à leur donner. « Je comprends pourquoi il nous appelle comme ça. Il suffit que trois ou quatre joueurs soient ensemble et ça commence à devenir drôle. »a déclaré la veille de la finale Alexandre Lacazette, le grand frère et capitaine de l’équipe à 33 ans.
« Ils m’apprennent à laisser tomber certaines choses que je n’aurais pas acceptées à une autre époque. »avouait un Henry presque sans filtre et rempli d’émotion lors de cette aventure éphémère. L’aveu émane d’un homme qui a quasiment tout gagné au cours de sa carrière de joueur et dont l’entêtement dans ses principes de jeu avait joué un rôle dans la fin de son aventure comme entraîneur de Monaco (2018-2019). De quoi alimenter un peu plus l’envie de le voir débuter une nouvelle aventure en club.