Le revirement spectaculaire du Parti québécois, dont notre chef du bureau politique, Guillaume Bourgault-Côté, décortique les causes et les effets, avait de quoi nous faire tourner les jambes. Jusqu’à ce que la politique américaine nous demande de tenir nos verres de bière, pour qu’elle nous montre de quoi elle était aussi capable dans les virages. En moins de temps qu’il n’en faut pour évacuer l’eau d’un échangeur d’autoroute à Montréal après une averse, le couronnement facile de Donald Trump sur Joe Biden n’aura pas lieu. La lutte sera plus ardue pour le milliardaire. Il est même possible que les États-Unis soient dirigés par la première femme présidente de leur histoire qui soit également noire et d’origine sud-asiatique.
L’électorat québécois a depuis longtemps démontré sa capacité à surprendre d’un seul coup de crayon dans l’isoloir : de la victoire du PQ en 1976 à la vague orange de 2011, en passant par le raz-de-marée conservateur de 1984 et la résurgence du oui au référendum de 1995. On l’a aussi vu partout au Canada lors de l’élection fédérale de 2015, lorsque le jovial outsider a battu en quelques semaines ses deux rivaux expérimentés, derrière lesquels il tirait de l’arrière dans les sondages.
Un fil conducteur traverse chacune de ces surprises politiques : quand on propose aux citoyens des options inspirantes, ils écoutent. Quand on les appelle à donner le meilleur d’eux-mêmes, quand on leur propose du progrès, de l’espoir et de la bonne volonté, ils écoutent. Les mains tendues, les invitations à construire, les appels à la collaboration finissent, avec le temps, par susciter l’adhésion des citoyens et les unir davantage que les campagnes axées sur la peur de l’avenir et de l’adversaire.
En fait, les politiques sinistres, les menaces et les épouvantails ont un effet dissuasif à long terme. La campagne de Joe Biden n’allait nulle part. Pour expliquer son incapacité à distancer son rival, les analystes ont certes cité l’énergie défaillante du président sortant face à Donald Trump, qui n’est pas non plus un parangon de vitalité. Mais il faut aussi reconnaître que sa campagne offrait essentiellement aux électeurs la chance de sauver leur âme en s’éloignant des tentations du diable. Les prêtres en chaire dans les années 1960 n’auraient pas pu faire mieux. Les stratèges de Kamala Harris ont compris qu’entre la menace des ténèbres et la promesse de vallées verdoyantes et ensoleillées, la deuxième option avait plus de chances de réussir.
Faire du monde le pire, c’est la politique du pire. La peur – comme le font Trump et d’autres politiciens populistes – d’une invasion de sauterelles si l’on n’est pas élu est un programme électoral qui peut, à l’occasion, se traduire par un succès. La campagne lamentable de Trump lui a permis d’arracher la victoire en 2016, mais l’alternance naturelle entre démocrates et républicains aurait dû lui être beaucoup plus favorable. Pourtant, Hillary Clinton avait remporté le vote populaire ; seule une stratégie défectueuse dans des États clés et le système du collège électoral expliquent le fait que la milliardaire ait été élue 45et président. Une anomalie. Normalement, sa candidature serait restée une excentricité de l’histoire.
Au Québec, ce qui a changé la donne politique depuis deux ans, c’est le ton donné par le PSPP depuis l’élection d’octobre 2012. Face à un premier ministre qui prévient ses pairs qu’ils seront assiégés par l’avenir plutôt que de les inviter à l’embrasser, les invitations à l’espoir du chef du Parti québécois ont finalement porté leurs fruits.
Nous sommes à quelques mois des prochaines élections fédérales. Bien que caractérisant agressivement le bilan libéral, la précampagne conservatrice reste dans les paramètres populistes classiques. C’est parfois simpliste, certainement démagogique, mais c’est défendable : une opposition prête à gouverner a parfaitement le droit de critiquer le bilan du gouvernement sortant.
Mais comme le montre clairement ce qui se passe aux États-Unis, il serait mal avisé pour les conservateurs d’augmenter la pression. Cela use et épuise un peuple.