Les nouvelles et Éducaloi s’associent pour éclairer les enjeux juridiques de votre quotidien. Marjolaine Condrain-Morel est avocate et vulgarisatrice juridique en chef chez Éducaloi. Le droit est en constante évolution. Les informations juridiques contenues dans ce texte étaient valides en date du 20 Septembre 2024. Ce texte est informatif; il ne constitue pas un avis juridique. Éducaloi est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de vulgariser le droit et de développer les compétences juridiques de la population du Québec.
Imaginez que vous avez accumulé près de 6 000 $ de dettes sur vos cartes de crédit et que vous vous en débarrassez en payant seulement 100 $. Cela vous paraît improbable? Pourtant, c’est ce qui est arrivé à une femme de Lévis en 2018.
Il n’existe aucune loi qui encadre strictement cette pratique consistant à inscrire le « paiement final » sur un chèque ou un virement Interac. Toutefois, dans certaines situations, elle peut être utilisée pour régler une dette à moindre coût. Mais ce n’est pas non plus de la magie. Il faut s’attendre à ce que le créancier ne soit pas d’accord. Et dans de tels cas, il a des recours. C’est pourquoi il est important de comprendre les circonstances dans lesquelles vous avez plus de chances de réussir.
Dans le cas de la Lévisienne, l’histoire débute en juin 2015. Dans les premiers mois suivant l’obtention de sa carte de crédit Capital One, la Lévisienne a réussi à respecter ses échéances de paiement. Mais à partir de février 2017, elle a cessé de faire ses paiements, après son divorce et la perte de son emploi.
Les mois passent. Un an plus tard, un avocat engagé par Capital One la contacte et lui demande de payer sa dette de 5 723,90 $.
La résidente de Lévis a ensuite envoyé un chèque de 100 $ à Capital One. Sur les conseils de sa mère, elle a inscrit « paiement final et sans recours » au recto du chèque, suivi de son numéro de carte de crédit.
Une mention claire et sans équivoque
La mention écrite de Lévisienne est cruciale. En effet, pour que le paiement vous libère de votre dette, vous devez indiquer Indiquez explicitement qu’il s’agit de votre paiement final et que vous ne paierez pas un centime de plus. Il n’existe pas de formule toute faite : il faut faire comprendre à votre créancier que votre paiement effacera votre dette.
La mention peut être inscrite directement sur le chèque, dans la section « message » d’un virement Interac ou sur un document qui accompagne votre paiement, par exemple une lettre. Vous devez agir de bonne foi, c’est-à-dire ne pas tenter d’induire votre créancier en erreur ou de lui « faire une blague ».
Le chèque de la Lévisienne a été encaissé quelques jours plus tard, sans autre formalité. Personne n’a communiqué avec elle pour lui signifier son désaccord avec l’idée que ce paiement efface sa dette. Ce faisant, la créancière était présumée être au courant de la volonté de la cliente de ne plus rien payer. Elle en a conclu qu’une « transaction » avait eu lieu, c’est-à-dire une entente, que la créancière avait acceptée..
Quelque temps plus tard, l’avocat de Capital One a de nouveau contacté la femme. Il lui a fait savoir qu’il ne considérait pas le montant reçu et encaissé comme un paiement libératoire. Capital One a alors décidé de poursuivre la femme, qui l’a contesté. Le juge a donné raison à la Lévisienne et a confirmé que sa dette était effacée. Selon le juge dans cette affaire, les banques sont réputées pour avoir une compréhension approfondie des règles applicables aux paiements avec cette mention. Cependant, le créancier n’a pas répondu rapidement au message de la femme.
Mais ne croyez pas que vous pourrez vous débarrasser de toutes vos dettes comme ça ! Si le créancier réagit et refuse le paiement partiel, ça ne marche pas. En général, votre créancier réagira rapidement s’il n’accepte pas votre paiement comme paiement final. Et il y a fort à parier qu’il ne voudra plus faire affaire avec vous à l’avenir…
Attention ! Certaines dettes ne peuvent jamais être éteintes par la mention « paiement final ». C’est le cas des dettes de pension alimentaire et d’impôts.
Pas d’accord clair ? Pas de paiement final
Parfois, les juges concluent qu’une entente a été conclue entre les parties et que le paiement partiel éteint la dette. D’autres fois, ils concluent le contraire. Ce sont toujours les circonstances de chaque cas qui guident les juges dans leurs décisions.
Voici un cas où ça n’a pas fonctionné. Au début de 2024, un homme de la région de Québec s’est vu refuser une remise de dette. L’homme devait 781,83 $ à deux acheteurs pour rembourser un rapport d’inspection préachat. En fait, l’homme, qui vendait sa maison, avait annulé l’offre d’achat et devait donc rembourser les frais engagés par les acheteurs.
Il est écrit noir sur blanc qu’il effectue un paiement final par virement Interac de 390 $, soit la moitié du montant dû.
Le courriel pour transmettre le paiement indique « paiement final et définitif pour régler le dossier ». La question de sécurité pour encaisser le virement est « paiement final », et la réponse pour obtenir l’argent est « oui ». Une des deux femmes encaisse le montant, même s’il est incomplet. Mais elle mentionne à l’homme qu’une partie du montant est manquante et toujours due dans la section « message » de la confirmation du virement Interac.
Le juge a estimé que les parties n’avaient pas conclu d’accord pour régler la dette de l’homme. La femme ne croyait pas qu’elle acceptait un accord définitif. Le simple « oui » à la question de sécurité était insuffisant et le comportement de l’homme a créé, selon le juge, un « faux sentiment de sécurité chez la femme ».
Gardez les preuves
Qu’il s’agisse d’une banque, d’une entreprise ou d’un particulier, les juges analysent le comportement de chaque partie, ce qu’elle a fait, dit ou écrit. Le créancier a-t-il compris qu’il renonçait à une partie de sa dette en encaissant le paiement ? A-t-il exprimé son désaccord ou est-il resté passif ?
C’est donc aussi une question de preuve. Il faut prouver qu’un accord a été trouvé. Il est donc judicieux de conserver une copie des échanges avec votre créancier. Si votre créancier revient et intente une action en justice contre vous, vous devez également obtenir l’original du chèque pour le présenter comme preuve. Vous devez contacter votre banque pour obtenir cet original.
Le jeu des offres et des contre-offres
Votre créancier peut indiquer qu’il a l’intention de percevoir votre paiement uniquement sous forme de paiement partiel. Il vous fait alors une contre-offre, pour ainsi dire. Deux choses peuvent se produire : soit vous acceptez cette contre-offre de votre créancier, soit vous refusez d’accepter votre paiement sous forme de paiement partiel.
Votre créancier doit vous accorder un délai raisonnable pour prendre cette décision. Chaque cas est unique, mais les tribunaux ont généralement estimé qu’un délai de trois jours est raisonnable. Sans délai raisonnable de la part du créancier, un juge pourrait conclure que la dette est éteinte par le recouvrement du paiement par le créancier.
Si vous acceptez la contre-offre de votre créancier, votre paiement n’éteindra pas votre dette, même s’il mentionne « paiement final ». Vous devrez toujours de l’argent à votre créancier.
Si vous refusez que votre paiement marqué « paiement final » soit encaissé en paiement partiel, vous pouvez alors reprendre ce paiement partiel avant qu’il ne soit encaissé. Vous devez agir dans le délai imparti par votre créancier et demander une opposition de paiement à votre banque. Si vous laissez le délai s’écouler sans rien faire, elle pourra encaisser le chèque, mais la mention « paiement final » n’aura alors aucun effet.
C’est le jeu des offres et des contre-offres.
Que se passe-t-il si vous recevez vous-même un paiement portant la mention « paiement final » ?
Attention ! Si vous acceptez de considérer le paiement comme définitif et d’effacer la dette, vous pouvez alors encaisser le chèque.
Toutefois, signalez-vous rapidement si vous n’acceptez la somme qu’en paiement partiel. Si vous l’encaissez sans rien faire, soyez prudent, vous risquez de laisser de l’argent sur la table !
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