« Pop », clic, craquement, grincement, craquement. Le cou, comme plusieurs autres articulations, peut émettre plusieurs bruits lorsqu’il bouge. « D’abord, il est très important de comprendre que craquement n’équivaut pas à un problème. Il est normal que le cou craque de différentes façons », explique Pierre Langevin, physiothérapeute et professeur clinicien à l’École des sciences de la réadaptation de l’Université Laval. Généralement inoffensifs, les craquements du cou peuvent avoir diverses causes.
Pourquoi mon cou fait du bruit ?
Plusieurs théories expliquent les différents bruits que font nos articulations. Les craquements ou les petits claquements que l’on entend à chaque fois que l’on tourne la tête, par exemple, sont causés par les structures (cartilagineuse, tendineuse ou ligamentaire) qui passent les unes sur les autres et s’accrochent légèrement. Ces bruits peuvent être causés notamment par l’arthrose, un phénomène très courant de dégénérescence du cartilage, plus fréquent avec l’âge. « L’arthrose peut augmenter la probabilité qu’il y ait des craquements — c’est comme s’il y avait un peu de sable dans les engrenages », illustre Pierre Langevin.
C’est du cas par cas, souligne Isabelle Pagé, chiropraticienne : « Parfois, lorsqu’il y a beaucoup de tension dans une région, le tendon va aussi avoir plus de tension et va “accrocher”.
Un bruit de « pop », semblable à celui des jointures qui craquent, est causé par l’accumulation de bulles d’air qui se rassemblent et éclatent. « Les articulations sont entourées d’une capsule de ligaments. Dans cette capsule, le liquide synovial, un peu comme de l’huile, permet à l’articulation de bien bouger », explique Isabelle Pagé. Lorsque la capsule est étirée – par un mouvement différent ou un étirement volontaire –, un vide se crée. « C’est là que les scientifiques ne s’entendent pas; certains disent que c’est l’éclatement de cette bulle qui crée le « pop », mais un chercheur de l’Alberta a observé le mécanisme du craquement des jointures en IRM, et c’est plutôt la création de ce vide qui a fait le bruit », résume la chercheuse qui est également professeure au Département de chiropratique de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Que faire et qui consulter ?
En cas de craquements légers et peu dérangeants, «il n’est pas nécessaire de consulter un professionnel», précise la physiothérapeute Édith Castonguay.
Si de nouvelles fissures ou une aggravation d’une fissure existante se produisent, une consultation chez un physiothérapeute, un chiropraticien ou un médecin de famille est recommandée, particulièrement si les fissures s’accompagnent de raideur ou de limitation, de douleur, de rougeur ou d’enflure.
Lorsqu’on soupçonne une arthrose, la seule façon de la confirmer est de passer une radiographie. « Mais la vraie question est : est-ce important de le savoir ? », précise Pierre Langevin. En fait, arthrose et douleur ne sont pas nécessairement toujours liées. « La présence d’arthrose ne signifie pas nécessairement que l’on ressent de la douleur, et avoir de la douleur lorsqu’on a de l’arthrose ne signifie pas toujours que cette dernière en est la cause », ajoute Isabelle Pagé. Dans les cas où le craquement s’accompagne de douleur ou d’une limitation des mouvements, le professionnel de la santé pourra examiner les causes et confirmer le diagnostic à l’aide de l’imagerie.
Et si votre cou craque à la suite d’un accident ou d’une chute sur la tête et que vous ressentez d’autres symptômes comme une douleur importante, un engourdissement ou un inconfort général, Isabelle Pagé recommande une visite aux urgences.
Est-il dangereux de se faire craquer le cou soi-même ?
« Même si ce n’est pas nécessairement dangereux, faire craquer son cou à répétition pour se soulager n’est pas idéal », explique Pierre Langevin. Si l’on ressent le besoin constant de faire craquer son cou, « il y a peut-être quelque chose qui ne va pas », observe le physiothérapeute, qui suggère de se faire évaluer par un professionnel de la santé.
Les experts ne s’entendent toutefois pas sur les effets à long terme de ces exercices d’autocraquage volontaire, s’ils sont répétés. Certains craignent qu’ils puissent entraîner une hypermobilité de l’articulation, ce qui, « comme un jeu de dominos, rendrait les autres vertèbres plus basses moins mobiles », prévient Edith Castonguay. Les spécialistes se demandent aussi si cela pourrait provoquer de l’arthrose ou l’aggraver. Mais « il n’existe pas de données à ce sujet », nuance Isabelle Pagé.
Le professeur raconte l’expérience d’un médecin (qui a reçu un prix Ig Nobel pour son étude, soulignant une recherche insolite) qui est allé jusqu’à faire craquer les articulations d’une de ses mains toute sa vie, mais pas celles de l’autre, et qui n’a constaté aucune différence. Cela ne prouve pas grand-chose, puisque l’échantillon est constitué d’une seule personne, mais montre néanmoins que l’arthrose n’est pas une conséquence inévitable.
Dois-je m’inquiéter si j’entends des craquements dans d’autres parties de mon corps ?
Comme au niveau du cou, un craquement isolé n’est pas inquiétant. Au niveau du genou, il peut être causé par un petit morceau de ménisque resté libre dans l’articulation à la suite d’une blessure. Celui-ci peut parfois se coincer dans l’articulation lors d’un mouvement et se détacher tout seul lorsque la personne plie et déplie son genou (on entend alors un « clic » dans le genou). « Mais c’est rarement ce morceau qui cause la douleur. C’est plutôt la mécanique qui a changé », explique Isabelle Pagé.
La meilleure prévention pour une bonne santé des articulations (qu’elles craquent ou non) est de bouger et d’adopter une bonne posture en général. « La peur d’avoir de l’arthrose, ou la peur d’avoir des problèmes, peut à elle seule créer des symptômes et des douleurs. Il faut rester actif et profiter de la vie; ce sont les meilleurs facteurs de protection contre les problèmes de santé futurs », conclut Pierre Langevin.
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