Rue Escaleide la Montréalaise Laura Nicolae, originaire de Roumanie, remporte le prix Robert-Cliche 2024 du meilleur premier roman. Ce livre publié par VLB éditeur propose une galerie de personnages qui façonnent l’ordinaire de manière plutôt extraordinaire. Notre collaboratrice Julie Roy a pu s’entretenir avec la lauréate.
Racontez-nous l’histoire du roman. Quel en a été le point de départ ?
J’ai d’abord voulu écrire sur mes grands-parents, qui ont vécu la Première Guerre mondiale en tant qu’enfants et la Seconde en tant que parents. Toute mon enfance s’est passée avec eux, dans le sud de la Roumanie. C’est une génération qui a vécu d’énormes traumatismes, mais qui a réussi à trouver le bonheur dans la vie de tous les jours ; des gens à la fois très réservés et très généreux. J’ai choisi de situer le roman en juillet 1975, au cœur de l’été roumain, dans une forte chaleur qui donne au ciel des couleurs miellées. L’action se déroule dans un quartier très ordinaire de Bucarest, rue Escalei, où la vie continue paisiblement. Mais lorsqu’un chien et son maître sont attaqués, les voisins sortent de leur torpeur et on apprend vite à les connaître sous un autre jour. Avec ce livre, j’ai voulu peindre une fresque de Bucarest qui soit loin de ce que l’on a pu lire jusqu’à présent.
Votre roman met en scène une multitude de personnages. Même si le choix est impossible, en préférez-vous un ?
C’est vraiment impossible ! [Rires] Sérieusement, mes personnages ne sont pas tous arrivés au même moment, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas eu le même impact sur moi. Au début, l’intrigue tournait uniquement autour de Sofia et Constantin, les grands-parents qui habitent rue Escalei, mais mon histoire a vraiment décollé avec l’arrivée de l’aviateur, un homme marqué par la guerre, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale. C’est le seul de mes personnages qui porte des cicatrices, à la fois physiques et psychologiques, et qui n’a pas peur de les montrer. Il incarne à lui seul une leçon de résilience pour mes autres personnages, et c’est pour cela que je l’aime particulièrement.
Comment avez-vous appris que vous aviez remporté le prix Robert Cliche et comment avez-vous réagi au fait que le jury était présidé cette année par la regrettée Caroline Dawson ?
Depuis que j’ai appris que j’avais gagné ce prix, je suis passée par toute une gamme d’émotions, de la stupeur à la perte de la parole ! Comme vous ne connaissez pas la composition du jury au moment de la soumission de votre manuscrit, je n’avais aucune idée que le livre que je lisais, Où je me cacheavait été écrit par la personne qui présiderait le jury ! Comme Caroline Dawson, je suis professeur d’université et j’ai lu son livre pour pouvoir l’enseigner. Même si je n’ai pas eu l’occasion de la rencontrer, j’ai l’impression qu’elle a été une sorte de marraine pour moi.