Karl Bélanger a travaillé pendant près de 20 ans sur la colline parlementaire à Ottawa, notamment en tant qu’attachement de presse principal de Jack Layton et du secrétaire principal de Thomas Mulcair. Il a ensuite agi en tant que directeur national du NPD avant de mettre fin à sa carrière politique à l’automne 2016. En plus d’agir en tant que commentateur et analyste politique à la télévision, à la radio et sur le Web, Karl est président de Traxxion Strategies.
Malgré une bonne performance de Pierre Hairy, le Parti conservateur du Canada (PCC) n’a pas dépassé les libéraux de Mark Carney. Et une sensation de panique commence à s’installer.
Pour plusieurs conservateurs, qu’ils soient militants, stratèges ou même députés, c’est la faute des autres. Les médias, bien sûr. Ils sont tous dans la rémunération du Parti libéral, c’est connu. Mais ce serait aussi la faute … du New Democratic Party (NPD). La théorie est la suivante: l’effondrement du vote néo-démocratique en faveur des libéraux ne crée pas la division attendue du vote de gauche, absolument nécessaire pour que les conservateurs l’emportent.
Le problème orange des conservateurs est donc de retour dans cette campagne. Mais un FDP fort signifie-t-il automatiquement un gouvernement conservateur? Pas nécessairement. C’est en réalité un discours perdant que nous avons déjà entendu sous Andrew Scheer et sous Erin O’Toole, et qui n’était pas plus concluant: le NPD était inférieur à sa moyenne historique dans le premier cas et au-dessus de la seconde. Cependant, le nombre de sièges gagnés par les conservateurs est resté essentiellement le même, avec deux sièges.
Depuis sa création en 1961, le NPD a affiché une moyenne électorale historique de 16,69%. Sur 20 élections, le parti s’est retrouvé 12 fois au-dessus de sa moyenne historique. De ces 12 élections, les libéraux ont gagné 6 et les conservateurs … 6 aussi. En fait, en examinant les quatre meilleurs résultats du NPD, vous obtenez deux gouvernements conservateurs majoritaires (1988 et 2011) et deux gouvernements libéraux majoritaires (1980 et 2015).
La vérité est que la performance du NPD lors d’une élection n’était pas le facteur déterminant des victoires des conservateurs au cours des 65 dernières années. Les conservateurs gagnent lorsqu’ils restent unis et lorsqu’ils parviennent à convaincre un grand nombre d’électeurs libéraux pour se tourner vers eux.
Ce sont les deux clés d’une victoire conservatrice, comme l’a démontré Brian Mulroney et Stephen Harper. Lorsque la droite est divisée, il est presque impossible pour les parties à droite de gagner, peu importe ce que fait le NPD. Ce fut le cas lors de l’émergence du crédit social, dans les années 1960. Ce fut également le cas lorsque le parti réformiste est arrivé dans les années 1990. On pourrait également faire valoir que le Parti populaire du Canada (PPC), qui est passé de 1,62% en 2019 à 4,94% en 2021, semblait devenir une menace sur le flanc droit de conservateurs.
Cette menace, Pierre Poiliere l’a pris au sérieux. Ce n’est pas un hasard si nous l’avons vu engener avec les “Freedom Truckers”, ou s’il prend le temps de donner des interviews à “alternative” et à des médias à balais identifiés avec le droit radical. L’abolition du vote PPC est un succès important de Pierre Hairyvre. Le parti de Maxime Bernier obtient 1% ou 2% dans les urnes récentes, bien en dessous des 5% récoltés la dernière fois.
Ce faisant, Pierre Hairy, cependant, a renforcé la perception qu’il n’est pas modéré. De plus, la stratégie, qui a commencé sous Stephen Harper, vise d’abord à unir le bon vote et à mobiliser, à fidéliser, même à radicaliser sa base électorale. Nous cultivons la haine des libéraux. F🍁ck Trudeau! F🍁ck Carney! La stridence est en ordre. Une façon de faire l’atout. Et cela fonctionne: les conservateurs perçoivent beaucoup plus d’argent que les autres partis, pendant des années. Les militants se déplacent en plus grand nombre. Et contrairement aux électeurs des autres partis, les électeurs conservateurs sont très nombreux à ne pas avoir de deuxième choix. Conservateur ou rien!
Mais la stratégie a ses limites. Pour gagner selon cette formule, les conservateurs doivent compter sur l’abolition du vote libéral et sur une certaine division du vote avec le NPD et avec le bloc au Québec. En politique, la soustraction et la division ne valent pas autant que l’ajout: l’univers des conservateurs semble se plafonner à 40%. Pour gagner, Pierre Poilievre doit convaincre les électeurs Red-Bleu Pivots, tout d’abord ceux qui allaient voter conservateur lorsque Justin Trudeau était au pouvoir. Parce que ce sont vraiment ces électeurs qui ont décidé par presque toutes les élections depuis les années 1960.
Espérons que le NPD offre au parti conservateur qu’un raccourci vers le pouvoir est une paresse intellectuelle vouée à l’échec. Que les conservateurs cessent de pleurnicher et de s’appuyer sur la performance d’autres parties pour gagner. Les conservateurs boulonnent parce qu’ils font peur au reste des électeurs qui, en retour, s’unissent pour leur bloquer la route. En 1984, Brian Mulroney a obtenu une super-majorité avec 211 sièges, grâce au soutien de plus de 50% des électeurs. Ce n’était pas grâce au NPD. Les conservateurs devraient donc se concentrer sur la façon de convaincre autant de personnes que possible de gagner par eux-mêmes, une stratégie de croissance pour aller au-delà du plafond.